Aris Alexandrou
né à Petrograd en 1922, décédé à Paris en 1978.Issu d’une famille de Grecs pontiques dont l’identité n’est pas nettement départagée entre grecque et turque, Alexandrou naît en Union Soviétique où, quand il s’agissait encore de la Russie, s’était exilé son père, grec, pour se soustraire à l’appel de l’armée turque qui réclamait son service militaire. La discrimination syndicale à l’embauche et les difficultés économiques font se replier la famille dans ce pays d’origine dont le petit ne parle pas la langue. 1928 : Alexandrou a six ans, avant d’apprendre le grec, il ne dit plus un mot. Muet politiquement et étranger : ces conditions qui sont passées sur son enfance vont déterminer toute sa vie.
Otage des Britanniques, il part en camp en Afrique du nord jusqu’à la fin de la guerre. Mais la libération, en Grèce, engendre une guerre civile : face aux partisans, communistes dont Churchill ne veut pas entendre parler, que Moscou soutient du bout des lèvres pour ne pas froisser trop les Américains, une droite monarchiste fait alliance avec les fascistes de l’ancienne dictature Métaxas et l’emporte, appuyée par Washington qui fait de la Grèce un bastion contre le bloc soviétique et pousse la monarchie rétablie à faire de la répression anticommuniste sa priorité. Dans les filets de cette répression, Alexandrou, libéré d’Afrique, repart en détention, sur les “îles sèches”, entre 48 et 51, sous un régime où règne la confusion, où l’armée est le corps fortifié par l’ouest pour maintenir l’état qui voit se succéder deux monarques et flotter une démocratie dont les élections se déroulent sans désigner grand chose. Jusqu’en 51. Lorsque les élections installent pour de bon le régime dur d’une droite radicale qui applique fidèlement la tradition de répression et de censure, Alexandrou repart en réclusion, condamné pour insoumission par un tribunal militaire, de 1952 à 1958.
Traducteur de Dostoïevski, Maïakovski, Tchekhov, Lawrence, Wilde, Steinbeck, Maupassant, Voltaire, Aragon, Alexandrou est resté un homme de convictions puissantes, que sa force s’est toujours employée à défendre, dans ses articles publiés, on conçoit avec quelles difficultés, sur cinquante ans d’existence (1937-1975), et réunis sous le titre on ne peut plus clair de Franc-parler (1977).