Fin de l'histoire par Frédérique Guétat-Liviani
En 1992-93, j’avais fait un atelier à la prison de Tarascon et montré les textes des détenus dans une installation présentée aux Rencontres internationales de Poésie en août 1993.
Nous nous étions mis d’accord préalablement avec les détenus sur le fait que si leurs textes venaient à être censurés, je ne les remplacerais pas par d’autres, les textes étaient retranscrits sur des mouchoirs blancs, les mouchoirs qui devaient être le support des textes censurés sont restés blancs.
Un journaliste du Monde en a parlé dans un article et la direction de la prison, pour me virer à la suite de cela, a fait placarder une affiche disant que mes interventions allaient prendre fin parce qu’elles revenaient trop cher. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est que depuis le début j’avais dit aux détenus que je n’étais pas une dame charitable visiteuse de prison, que la prison faisait partie de mon histoire familiale, que j’avais demandé un financement à la Drac. De ce fait, la prison ne versait pas d’argent pour cette activité, cependant les travailleurs sociaux m’avaient conseillé de me présenter au directeur de la prison. Celui-ci m’avait reçue hilare, m’assurant que je n’aurais aucun inscrit, que la seule chose qui intéressait les détenus c’était la salle de musculation ! Or, mon atelier qui se déroulait chaque semaine n’a jamais désempli du début à la fin.
Quand donc cette affiche a été placardée, les détenus participants de l’atelier, parmi lesquels il y avait des truands qui purgeaient des reliquats de longues peines mêlés à des indigents purgeant de plus courtes peines, ont désigné un porte-parole pour les représenter et m’ont informé de leur souhait de voir maintenu l’atelier. Ils avaient trouvé ensemble une solution : si l’atelier venait à poser un problème économique, ceux qui avaient de l’argent paieraient pour les plus démunis. Ils souhaitaient faire cette proposition à la direction. Les travailleurs sociaux en étaient très émus. Ces hommes désocialisés, individualistes et sans lien entre eux en dehors de l’atelier, avaient réussi à formuler un désir collectif et généreux.
Fin de l’histoire : j’ai été virée et trois travailleurs sociaux mutés !