30 mai
2010
Barbe bleue de Sylvie Nève
Barbe bleue est un poème expansé, une glose lyrique : procédé « inventé » par Sylvie Nève, moderne qui relativise l'invention en affirmant très justement dans son blog que les textes de Montaigne, les pièces de Molière et Racine furent aussi des gloses, des réécritures à partir de matrices plus anciennes ; la moderne Sylvie Nève réécrit La barbe bleue du moderne (lors de la fameuse Querelle) Charles Perrault, réécrivant lui-même un conte issu de la tradition orale. Rien à voir donc avec les expansions d'un César, même si parfois l'envie vous saisit de contenir les débordements de l'artiste, comme à la lecture d'un sonnet fameux, Le dormeur du val, expansé-rebaptisé Rimbaud-Dada et dédié à Jacques Demarcq, qui s'étale sur pas moins de 13 pages dans la publication qu'en donne Alain Hélissen (VOIX éditions, collection vents contraires, 2010).
En revanche, les vers de Sylvie Nève, qu'ils soient bref ou longs, n'alourdissent ni n'allongent le récit du conte, ils ne l'embellissent pas non plus mais l'enchantent en le révélant, le commentent sans jamais tomber dans le didactisme, la clef (fée) est montrée sans que soient réduites l'horreur et l'énigme qui fascinaient tant Rimbaud (cf Après le Déluge).
La science du tempo de Sylvie Nève est impressionnante, est-ce sa longue expérience de la mise en voix ? L'alternance des pleins et des ellipses, des singuliers des pluriels donne des suées délicieuses, le bleu surgit à point nommé et la peur, les italiques aussi, la grammaire est comme chahutée par une poursuite (ou le projecteur du même nom), essouflements, le présent reçoit une force inouïe juste après un passé simple, un adjectif rompt une énumération de substantifs, syntaxe de cauchemar :
Rejoignit sa chambre aussitôt.
Mais battent
cœur, poitrine, tempes, moite,
tremble
Jamais expansion ne fut plus justifiée par les plaisirs procurés, frissons de proie garantis !
La morale donnée par Perrault est bien étrange (hypocrite ? ironique ?), celle de Sylvie Nève pourrait illustrer son travail, son geste artistique :
En revanche, les vers de Sylvie Nève, qu'ils soient bref ou longs, n'alourdissent ni n'allongent le récit du conte, ils ne l'embellissent pas non plus mais l'enchantent en le révélant, le commentent sans jamais tomber dans le didactisme, la clef (fée) est montrée sans que soient réduites l'horreur et l'énigme qui fascinaient tant Rimbaud (cf Après le Déluge).
La science du tempo de Sylvie Nève est impressionnante, est-ce sa longue expérience de la mise en voix ? L'alternance des pleins et des ellipses, des singuliers des pluriels donne des suées délicieuses, le bleu surgit à point nommé et la peur, les italiques aussi, la grammaire est comme chahutée par une poursuite (ou le projecteur du même nom), essouflements, le présent reçoit une force inouïe juste après un passé simple, un adjectif rompt une énumération de substantifs, syntaxe de cauchemar :
Rejoignit sa chambre aussitôt.
Mais battent
cœur, poitrine, tempes, moite,
tremble
Jamais expansion ne fut plus justifiée par les plaisirs procurés, frissons de proie garantis !
La morale donnée par Perrault est bien étrange (hypocrite ? ironique ?), celle de Sylvie Nève pourrait illustrer son travail, son geste artistique :
le mal qu'on se donne
c'est (n'en déplaise à certains)
un gain : la vie même
déchiffrée, ressemée !
c'est (n'en déplaise à certains)
un gain : la vie même
déchiffrée, ressemée !