28 sept.
2009
n'être pas d'Alain Frontier
Lorsque le jeune Rimbaud écrivit vers 1870-1871 un poème plein de rage contre les Assis (Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges ), il ne pouvait se douter que, bien des décennies plus tard, l'un de ses horribles descendants, au seuil de l'âge, saurait redonner une dignité à cette posture.
Alain Frontier est devenu un Assis parce qu'il souffre, parce qu'il contemple, parce qu'il maîtrise et ne maîtrise pas, parce qu'il est et qu'il n'est pas, parce qu'il écrit, parce que ses semelles devant doivent rester clouées au sol le plus longtemps possible. Et Marie-Hélène Dhénin, sa compagne et sa Muse, le photographie, en des lieux souvent cultes, rendant hommage à des confrères morts (Daniel Oster, Mallarmé) ou bien regardant des paysages montagneux ou bien encore sur un quai entre deux TGV lancés, le poète toujours posé sur son tabouret transportable, toujours assis dehors, loin des livres : tel que les écrivains n'aiment pas se donner à voir ; on peut poser assis derrière un bureau ou devant une bibliothèque, on peut se dresser ou se coucher dans un paysage mais pas s'asseoir : il y a quelque chose de Lichtenberg chez Alain Frontier, il est contraint à l'assise du pêcheur sans canne à pêche et fait de cette contrainte une silhouette, noire ou blanche, presque une icône.
Dans la plupart des courts poèmes en prose qui constituent ce beau livre d'artisteS, de deux artistes, on retrouve une même insolente, insistante assise. Frontier est un grammairien hors pair et, soit dit pour ceux qui l'ignoreraient, auteur de deux grammaires (cf. ici) dont une du Grec ancien : il maîtrise si bien la syntaxe classique que cela lui permet fréquemment de s'asseoir dessus, exemple dans Scolarité:
Le professeur donne la parole à l'adolescent tue le professeur.
L'élision du pronom relatif et l'ellipse donnent une réelle fulgurance à la phrase mais ce n'est pas qu'un effet de réel. Frontier qualifie-t-il ses poèmes de logiques parce qu'ils perturbent et défient toute logique comme toute analyse logique ? Le brillant helléniste qu'il est donne surtout à voir la puissance du LOGOS, les secousses qu'il est capable d'infliger au temps (magnifiques discordances, balancements et danse des temps dans plusieurs textes) et à l'espace.
Alain Frontier semble enfin assis entre deux tentations, celle de l'effacement pur aux limites d'une métaphysique borgésienne et celle du didactisme décalé, parfois truculent, parfois mélancolique.
Alain Frontier est devenu un Assis parce qu'il souffre, parce qu'il contemple, parce qu'il maîtrise et ne maîtrise pas, parce qu'il est et qu'il n'est pas, parce qu'il écrit, parce que ses semelles devant doivent rester clouées au sol le plus longtemps possible. Et Marie-Hélène Dhénin, sa compagne et sa Muse, le photographie, en des lieux souvent cultes, rendant hommage à des confrères morts (Daniel Oster, Mallarmé) ou bien regardant des paysages montagneux ou bien encore sur un quai entre deux TGV lancés, le poète toujours posé sur son tabouret transportable, toujours assis dehors, loin des livres : tel que les écrivains n'aiment pas se donner à voir ; on peut poser assis derrière un bureau ou devant une bibliothèque, on peut se dresser ou se coucher dans un paysage mais pas s'asseoir : il y a quelque chose de Lichtenberg chez Alain Frontier, il est contraint à l'assise du pêcheur sans canne à pêche et fait de cette contrainte une silhouette, noire ou blanche, presque une icône.
Dans la plupart des courts poèmes en prose qui constituent ce beau livre d'artisteS, de deux artistes, on retrouve une même insolente, insistante assise. Frontier est un grammairien hors pair et, soit dit pour ceux qui l'ignoreraient, auteur de deux grammaires (cf. ici) dont une du Grec ancien : il maîtrise si bien la syntaxe classique que cela lui permet fréquemment de s'asseoir dessus, exemple dans Scolarité:
Le professeur donne la parole à l'adolescent tue le professeur.
L'élision du pronom relatif et l'ellipse donnent une réelle fulgurance à la phrase mais ce n'est pas qu'un effet de réel. Frontier qualifie-t-il ses poèmes de logiques parce qu'ils perturbent et défient toute logique comme toute analyse logique ? Le brillant helléniste qu'il est donne surtout à voir la puissance du LOGOS, les secousses qu'il est capable d'infliger au temps (magnifiques discordances, balancements et danse des temps dans plusieurs textes) et à l'espace.
Alain Frontier semble enfin assis entre deux tentations, celle de l'effacement pur aux limites d'une métaphysique borgésienne et celle du didactisme décalé, parfois truculent, parfois mélancolique.