30 juil.
2007
Poésie et gros mots : esthétique, éthique par Ronald Klapka
La Revue des Sciences Humaines, 2007-2, titre : Poésie, Esthétique, Ethique.
C'est la transcription d'une journée d'études de décembre 2002 à l'université de Lille III. Les contributions ont été coordonnées et sont présentées par Jasmine Getz.
On ne contestera pas à celle-ci d'aimer la poésie et de s'employer à la faire aimer : articles du Nouveau Recueil (n° 52, 1999): « Ce reste qu'est la poésie », des Temps Modernes, mars-juin 2006 (« Enseigner la poésie »), questions à Christian Doumet : Par océan (Obsidiane 2004).
Mais, « C'est toujours même note et pareil entretien ».
La gouvernante de Susanna (G. Kolmar), aurait constaté : « l'instinct de l'enseignante était encore trop fort en moi pour être renié ». Cela pose très simplement la question : tout poètes qu'ils soient, les universitaires lorsqu'ils s'expriment à propos de la poésie le font-ils encore en poètes ? Lorsque je découvre la gaya poesis qu'expose Jean-Claude Pinson, je me demande si c'est réellement ce qu'il met en œuvre lorsqu'il écrit ses poèmes (que j'apprécie beaucoup) : ce qui ne revient nullement à contester l'éthicité du propos critique, mais le poème n'appartient-il pas à un ordre radicalement hétérogène, qui s'enracine ailleurs que dans une scienza : l'insu que sait de l'une-bévue par exemple aurait dit l'autre (le grand). Quant à l'extrême virtuosité rhétorique (sa petite reine) et le maniement de plusieurs langues (Michel Deguy), exemple topique : apophtegme tagué, elle touche quoi au juste ?
Toutefois, il arrive que celui dont le critique parle soit si puissant qu'il crève la peau du ciel. Aussi Artaud (« A toi qui vivras morte ») lu par Jacob Rogozinski, à partir des horribles sorts des années 37 exorcisés retour de Rodez, « ça parle ». Il en va de même pour le Méridien de Celan, revisité à la lumière de Clemens Brentano par Laurent Cassagnau, déshabiller la souris et démonter le mécanisme interne de la poupée (on dirait du Bellmer) m'a paru des plus probants.
Pour le reste, immense classicisme (Reverdy, Char, Leiris, Mallarmé, Baudelaire, Oster). Et de se prendre à regretter que place n'ait pu être faite à la poésie d'aujourd'hui (elle aussi pensée), juste deux noms Prigent (cf. entretiens avec Castanet, essais chez POL) bien sûr, Beck, l'Impersonnage, le finale de Chants populaires, Poésies didactiques ... Ajoutons-en un troisième, ce ne sera pas encore la parité, mais elle joue très bien sa partition toute seule : Nathalie Quintane, qui problématise joliment « das Ding » entre Monstres et couillons.
C'est la transcription d'une journée d'études de décembre 2002 à l'université de Lille III. Les contributions ont été coordonnées et sont présentées par Jasmine Getz.
On ne contestera pas à celle-ci d'aimer la poésie et de s'employer à la faire aimer : articles du Nouveau Recueil (n° 52, 1999): « Ce reste qu'est la poésie », des Temps Modernes, mars-juin 2006 (« Enseigner la poésie »), questions à Christian Doumet : Par océan (Obsidiane 2004).
Mais, « C'est toujours même note et pareil entretien ».
La gouvernante de Susanna (G. Kolmar), aurait constaté : « l'instinct de l'enseignante était encore trop fort en moi pour être renié ». Cela pose très simplement la question : tout poètes qu'ils soient, les universitaires lorsqu'ils s'expriment à propos de la poésie le font-ils encore en poètes ? Lorsque je découvre la gaya poesis qu'expose Jean-Claude Pinson, je me demande si c'est réellement ce qu'il met en œuvre lorsqu'il écrit ses poèmes (que j'apprécie beaucoup) : ce qui ne revient nullement à contester l'éthicité du propos critique, mais le poème n'appartient-il pas à un ordre radicalement hétérogène, qui s'enracine ailleurs que dans une scienza : l'insu que sait de l'une-bévue par exemple aurait dit l'autre (le grand). Quant à l'extrême virtuosité rhétorique (sa petite reine) et le maniement de plusieurs langues (Michel Deguy), exemple topique : apophtegme tagué, elle touche quoi au juste ?
Toutefois, il arrive que celui dont le critique parle soit si puissant qu'il crève la peau du ciel. Aussi Artaud (« A toi qui vivras morte ») lu par Jacob Rogozinski, à partir des horribles sorts des années 37 exorcisés retour de Rodez, « ça parle ». Il en va de même pour le Méridien de Celan, revisité à la lumière de Clemens Brentano par Laurent Cassagnau, déshabiller la souris et démonter le mécanisme interne de la poupée (on dirait du Bellmer) m'a paru des plus probants.
Pour le reste, immense classicisme (Reverdy, Char, Leiris, Mallarmé, Baudelaire, Oster). Et de se prendre à regretter que place n'ait pu être faite à la poésie d'aujourd'hui (elle aussi pensée), juste deux noms Prigent (cf. entretiens avec Castanet, essais chez POL) bien sûr, Beck, l'Impersonnage, le finale de Chants populaires, Poésies didactiques ... Ajoutons-en un troisième, ce ne sera pas encore la parité, mais elle joue très bien sa partition toute seule : Nathalie Quintane, qui problématise joliment « das Ding » entre Monstres et couillons.