30 nov.
2007
Ronde des convers d'Eugenio de Signoribus par Ronald Klapka
La poesia é ancora praticabile, probabilmente*
Dans la discussion *que Martin Rueff et Jean-Patrice Courtois mènent relativement à l'anthologie critique de référence du premier sur la poésie italienne de ces trente dernières années **, l'accent est porté outre ses dimensions plurielle et formaliste sur l'aspect politique de la « production » de cette période. Et Eugenio de Signoribus est cité comme particulièrement représentatif de l' impegno civile (i.e. l' « engagement »).
La parution aux éditions Verdier (coll. Terra d'Altri) de Ronde des convers grâce aux soins et à la traduction de Martin Rueff (qui donne à la suite de l'ouvrage une postface pour le situer et des commentaires de chaque poème pour le préciser) permet d'en prendre la mesure, et de vérifier le propos de Giorgio Agamben selon lequel De Signoribus procède « en nommant la face oblique du monde ».
Pèlerin de la face nue, parcourant les terres démantelées, le témoininerme, sans lieu où se poser (senza casa) oppose à la brutalité, une parole, celle dont la langue, dit Dante, est en peine et à la recherche de laquelle le franchissement des sept cercles de nos modernes enfers (allusions au massacre de Beslan, au 11 septembre, entre autres) indique, « sans tonitruance, une politique à venir : un lien choisi, délibéré, main tendue et mains jointes. » (4° de couverture)
Le poème qui suit : Terre bruciate (chi non puÚ averti, t'uccide...) est représentatif de la « métapoétique » de De Signoribus ; Martin Rueff a sans doute raison d'évoquer Bataille (La haine de la poésie), tout comme Celan (Sable verbal), mais surtout de mettre en valeur l'intention qui parcourt l'ensemble du recueil : "Lutter contre le feu qui assaille le poème c'est prévenir le désastre.
La ligne noire qui sépare le poème de « l'altérité » peut renvoyer au vers sur la page comme au lever du jour. Deux destins s'offrent alors au poème: la mort (l'urne) ou le souvenir (la cicatrice)."
TERRES BR€L…ES
celui qui ne peut t'avoir, il te tue...
il ne supporte pas ton corps écrit
et ton être qui bien que souffrant
est au-dessus du sable verbal
après ton troisième non
il répand autour de ta baraque
sa paperasse vénale et l'incendie
se niant lui-même dans le conflit...
celui qui vit avec toi et sent
que ton alliance est en danger
court pour éteindre à la naissance
ce qui était déjà devenu cendre
mais à l'aube une ligne noire incertaine
sépare ton regard malheureux
de chaque lieu où tu n'es pas
sinon dans l'urne ou dans la cicatrice
*La poésie est encore praticable, probablement, Poésie italienne, Questionnaire de Jean-Patrice Courtois ; réponses et cahier de traductions par Martin Rueff, Nouveau Recueil n° 81, Champ Vallon, décembre 2006-février 2007
**Po&sie 109, 110 : 1975-2004, 30 ans de poésie italienne, Belin