OFF, une anthologie d'Huguette Champroux par Ronald Klapka

Les Parutions

01 mars
2008

OFF, une anthologie d'Huguette Champroux par Ronald Klapka

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« Soit une femme accentuelle. Une qui est un phrasé. Elle cherche des phrasés dans des œuvres aussi. Elle aime et fait, elle œuvre comme elle aime un phrasé. La solitude d'artiste, « cette condition qui est son risque », est disposition précise : quelqu'un « appartient, dans l'œuvre , à ce qui est toujours avant l'œuvre ». L'artiste est seul vers le seul. åuvre a des effets sur la vie, car elle impose chercherie, l'existence, l'état non diverti où quelqu'un sait vivre avec soi, et respecter le grand impersonnage discret, que j'ai appelé Avec, d'un nom antique. »

Philippe Beck (Un Journal, Flammarion, p. 168) songeait-il à Huguette Champroux (1932-2003) dont les éditions Le Bleu du Ciel publient aujourd'hui Off, une anthologie des textes publiés de son vivant auxquels s'ajoutent quelques inédits ? J'y reconnaîtrais volontiers l'auteur de La Villégiature (Off, pp. 99-106 ), ce Journal romain daté de 1980, au regard de ces extraits.

2/ Jour de Pâques banlieue de Rome, TUFFELLO.
Qui m'a invitée me dit il y a cela « à voir ».
Une messe que j'appelle itinérante, ou nomade, pour les sédentaires, soit dans un camion, comme on ravitaille la périphérie, les résidents démunis en victuailles. Là, encore, un trajet incertain, autobus sans doute, et partiellement à pieds. À un carrefour (sans doute) un troupeau de moutons. Presqu'inacceptable chaleur. Inacceptable misère, dénuement de la mise en scène, douleur évangélique (?) Un souvenir craquelé de crasse, de formes de femmes & d'enfants & d'hommes éructant en provocation le manque. Linge aux fenêtres. Tertres et cendre. Craquelés de chair qui écoutent la résurrection, en désirs non incarnés.
: Les notes de ce cahier de molesquine noire, écrites en rouge, il me semble sur place, d'où le discours pascal retranscrit, mais deux mots, isolés définitifs.
En mémoire le Requiem de Mozart sur un électrophone. Il était réellement midi. [102-103]

D'où l'on peut voir d'après ces quelques notes que Villégiature va principalement vers Rome, puisqu'allant à Vincennes, je retrouve une débutante de l'ère chrétienne, une basilique, une martyre, alors puis-je savoir quelle métaphore me faisait marcher ? Et quelle seconde lumière éclairait le désir - ne plus marcher.Quant au quaderno retrouvé - non pas au niveau presque de la table dans la malle mais à la cave si l'on veut dans une valise avec de moins anciens devoirs : …criture assez illisible, en fait sous forme de scénario en désordre. Rouge pour l'officiant, bleue quant au reste.
À ce méridien de l'écriture non autobiographique, il est noté 18 heures - pour la messe.
« Mais il est réellement midi ».
L'indication de temps est fausse, celle de la lumière est la vraie. [105]

La butée : « nostra carne » ; et la grande réussite de ce poème, outre sa musicalité (le phonème resté dans le a du pronom : nostra carna) est son élévation à l'impersonnalité, dans cette « expérience d'écriture -tantôt jubilatoire, tantôt affolante -, dans laquelle Je pense hors de Moi. » (Evelyne Grossman, ouvrage à paraître).

Ces extraits au méridien de l'œuvre, qui commence sous influence charienne pour s'achever dans la proximité des recherches musicales les plus actuelles. A cet égard L'Oxane -2002-(321-332) demande autant d'efforts d'écoute, d'audition que de compréhension conceptuelle. (« L'intimité supérieure dépend d'une intense disponibilité, aussi souple qu'unie dans la disparité, qui est attention ferme ou danse, réinvention de silence parlant et d'oubli attentif » Ph. Beck, Un Journal). Ce sera sans plus d'étonnement qu'on découvrira comme une résurgence de ces intuitions dans la musique pratiquée par Emmanuel Miéville, son fils, dans le voisinage de celle d'un Mefano. Pas davantage en se souvenant d'Huguette Champroux, productrice à France-culture, mettant en ondes avec Michaël Lonsdale son Chant pour Pascale (Ogier).

Ce sont les amis et éditeurs qui aujourd'hui tâchent à réparer une injustice. Une émission récente soulignait le désir, la soif de reconnaissance de la poète, et celle-ci pas à n'importe quel prix. Grâce aux témoignages de Pierre Courtaud, de Christophe Marchand-Kiss, préfaciers de l'anthologie, de Geneviève Huttin dans la revue Action Poétique (n° 183, 2006), les textes ainsi rassemblés (de 1957 à 2003) révèlent un auteur tout à fait considérable, susceptible d'amener la jeune génération au fait poétique tel qu'il peut se dessiner aujourd'hui : exprimer ce qui n'aura jamais lieu que dans l'écriture où « l'indication de la lumière est la vraie » ; celle-ci donnera la mesure de la re-connaissance désirée.

Cri articulé, cri de marque, confluence scandinave et franque, cri maritime ou rural, cri de jambes, de proue, de hachoir ?
Cri sifflé, microscopique, ou cri de sabots, de boyaux, de parcelles ? Brève longue, brève illimitée.
Palatales traquées, « ire » cybernétique. À mettre comme eux le « haro » d'un côté. La clameur de l'autre.

Et à même ici maintenant la clameur n'est pas recouverte. « L'éminence du péril » devient : « Péril d'une narration impossible » : La mitoyenneté voilà. Voilà comme enclavure. « Je » peut entendre une asymétrie de la fiction une titulature pour revenir à l'autre de la coutume. [L'Oxane, p. 332]


Là où le péril croît, à bon entendeur ...


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