Oiseaux par Christine Guichou
la chaleur mange au visage
c’est par là qu’elle commence
seuls les serpents font ça
les araignées
les chats
quelque part dans les jardins d’en bas un chat a lancé un vol d’étourneaux
je t’enlace
tu ne cherches aucun secours
jamais
je ne le vois pas je le sais
aux étourneaux
l’arbre se vide
tout son sang noir est dehors
notre fenêtre est obstruée d’oiseaux
je fais semblant de dormir
tu le sais toujours
les étourneaux dansent leur danse prévue
(si près de la vitre qu’ils sont vraiment plusieurs)
puis ils partent on ne sait où
(quel arbre ici peut-il être assez grand pour les contenir ?)
je sais le chat assis sur les tuiles chaudes
d’un mouvement sec il corrige d’un millimètre la place de ses pattes
et cligne des yeux au ciel
trop ouvert
mais il n’y a plus de ciel
il y a des oiseaux
je fais semblant de dormir
tu le sais tu guettes
lac vigilant de bleu tendu
tu guettes la moindre ride
à la surface de notre entre-corps
Ecoute :
je te jette ton corps
vole !
le petit corps caillou léger tombe en haut
quand nous tombons en bas
je ne respire que ce qu’il faut respirer
pour pas que la mort me trouve le charme de la chute
(certains savent qu’ils tombent
d’autres non
ceux-là dérivent
remplissent des vêtements sans vent réel)
maintenant j’ai les yeux ouverts mais je ne regarde pas les choses habituelles
même la mésange est réapparue
je vis ma vie d’algue sous la surface des pièges
(ce que c’est qu’un corps ?
d’abord un poids dans l’espace
une chute empêchée ou non)
je ne regarde ni le mur ni le plafond
encore moins le cadre de la
fenêtre
la mésange me regarde
aux jardins d’en bas
je sais le chat fixe (simulacre
maintenant tu fais semblant de dormir
les cris d’étourneaux condensent le soir
j’ai les yeux grands ouverts
derrière la vitre la mésange me regarde
nous nous regardons :
- je ne te mangerai pas
- moi non plus
nous nous sourions.