Peau - pOp - popperS (extrait) par Romain Frezzato
J’ai longtemps répété le geste de souffler ; j’ai longtemps reproduit : la
quantité de sang qu’il faut pour qu’une veine
porte ce nom, pour qu’une artère mérite ce signifiant. Et puis la peau,
son chiffre ; et puis l’espacement des pores, sa production d’eau et dessous :
le derme épais – sa prétention à obtenir d’autres qu’ils le touchent, sa folle
exubérance, sa hargne oui, sa viscosité : au pire moment de l’onde ; ses émulsifiants, sa
composante atomique, l’ancestrale recette chimique, la dose exacte et les
ingrédients, la nomenclature impeccable, ce geste d’exister une fois trois fois
cent fois réitéré, au point d’en bâtir l’habitude, au point d’en concevoir
une naturalité, sa tendance à révoquer le n’être-pas –, j’ai longtemps
considéré ma gesticulation dans la vitre des bus
– qui passent sans prendre de voyageurs –, et les taxis usés,
les limaces éventrées bavant sur les goudrons, le tremblement des êtres à la surface du monde,
je sais nous sommes quelques uns
et nous prouvons dans la rencontre
qu’une humanité est possible.