22 oct.
2011
Lettre imaginaire à John Coltrane de Jean-Claude Pinson par Nicole Caligaris
Et l'oreille, et l'amour: un poète signe une lettre de reconnaissance de dette à l'idole tutélaire de ses sens poétiques, l'immense John Coltrane, dont, je l'annonce à genoux, Jean-Claude Pinson a eu le coup de bénédiction des anges d'assister au concert du 26 juillet 1965 à Juan-les-pins et d'entendre, des oreilles et du cœur, le quartet d'as, Dieu compris, interpréter A love supreme. Je conçois qu'on en sorte touché par la métamorphose. L'idole est un sujet abstrait qui a perdu son humanité pour passer dans la sphère intime de son admirateur. Coltrane appartient à la biographie de Pinson. Entrée dans l'écoute d'un poète, l' action de grâces est adressée à John.
Intéressant, d'associer une leçon à une dette. C'est ce que fait Pinson en ouverture, plaçant son texte sous le rappel de la leçon, scrupuleusement payée, que Coltrane avait prise auprès d'Ornette Coleman. Quelle leçon le poète reçut-il du musicien immense?
La propulsion. Pinson retient du souffle coltranien la montée d'énergie, la vague.Le son. On voit le poète transposer en code linguistique quelque chose du son unique de Coltrane, en rapport avec le corps, non seulement le souffle du saxophoniste mais, plus attentivement, la vélocité de ses doigts dont la photo de couverture du livre montre la finesse, la longueur, le délié. Un sax aux doigts de pianiste, tel était Coltrane. Pinson écoute le cliquetis des clés répondant à ces doigts. Et la bouche, lèvres fermées sur l'anche. Coltrane vivait le bec du ténor en bouche, il utilisait, par quantités industrielles, des anches d'une épaisseur injouable qu'il faisait venir de Paris et qui donnaient leur voile à ses attaques. Du corps du musicien, le poète retient le talent de la bouche, dont il apprend l'art d'aimer.
Intéressant, d'associer une leçon à une dette. C'est ce que fait Pinson en ouverture, plaçant son texte sous le rappel de la leçon, scrupuleusement payée, que Coltrane avait prise auprès d'Ornette Coleman. Quelle leçon le poète reçut-il du musicien immense?
La propulsion. Pinson retient du souffle coltranien la montée d'énergie, la vague.Le son. On voit le poète transposer en code linguistique quelque chose du son unique de Coltrane, en rapport avec le corps, non seulement le souffle du saxophoniste mais, plus attentivement, la vélocité de ses doigts dont la photo de couverture du livre montre la finesse, la longueur, le délié. Un sax aux doigts de pianiste, tel était Coltrane. Pinson écoute le cliquetis des clés répondant à ces doigts. Et la bouche, lèvres fermées sur l'anche. Coltrane vivait le bec du ténor en bouche, il utilisait, par quantités industrielles, des anches d'une épaisseur injouable qu'il faisait venir de Paris et qui donnaient leur voile à ses attaques. Du corps du musicien, le poète retient le talent de la bouche, dont il apprend l'art d'aimer.