Génies du lieu, la petite compagnie des sculptures d'Alex Saliceti. par Nicole Caligaris

Sur 80 cm de hauteur, deux fines courbes de métal fichées dans un galet de la couleur du sable tiennent dans la spirale de leur sommet en crosse pastorale une tige de métal droite comme un balancier, et qui porte un petit disque, de métal encore, bien attaqué par la rouille, percé au milieu d'un trou net, rond, un point par où la lumière passe, et qui le fait léger, répondant à la légèreté des tiges, mais dont le poids pourtant contribue à l'équilibre. Une suspension dans le vide, entre deux arabesques qui ne font qu'inscrire la trace d'un mouvement dans le vide. Ces tiges courbées, un effleurement, une vibration, leur propre poids pendant que les années passent, un rien les bouge, les fait imperceptiblement changer, ou vaciller par surprise, fléchir, jouer entre forme et mouvement, entre mouvement et équilibre. C'est l'équilibre qui structure la sculpture, c'est ça qui me fascine et qui fait pour moi de cet objet une figure de l'écriture.

L'ensemble est de la taille de mon poing, avec un galet gris, rond, lui aussi porte une spirale, ou plutôt l'inverse, c'est une spirale de métal aplati qui le porte sur l'une de ses extrémités, et qui le relie à un triangle de miroir au tain largement entamé, simplement posé contre le galet, et tenu, de face, dans la courbe de métal. Lui-même, cet éclat de verre, il porte sur sa pointe ce motif qu'on retrouve sur les colonnades grecques de la période ionique : deux spirales de fil métallique très fin, dont la version aérienne et mobile a l'air de se refléter, non pas sur le miroir mais sur la pierre posée à côté de lui, sur la face du galet, striée de deux gidouilles, deux ondes de sens opposé, l'une tournant vers la gauche, l'autre vers la droite, et qui font de lui un drôle de personnage qui aurait gardé quelque chose de la pieuvre des fonds marins et gagné quelque chose de l'absurdité humaine, un reflet décalé. Impossible de ne pas penser à une combinaison d'Humpty Dumpty avec Ubu. Et ce petit grotesque aussi est un compagnon d'écriture, avec sa solution improbable de métal enroulé entre le plus sensible et le caillou posé au sol.