couper la langue en quatre par Reda Arfachar
j'ai défait le wifi j'ai dit Woolf je désactive le chien a aboyé en signe d'approbation j'ai pensé je parle à haute voix avec un chien que je n'ai pas le chien a disparu j'ai mis mes doigts dans la bouche j'ai hésité à me manger la main j'ai commencé à mordre je ne pouvais pas parler la bouche pleine j'ai retiré la main de ma bouche j'ai dit c'est bien mon chien au chien que je n'ai pas je vais reprendre mon travail maintenant reste tranquille je n'en n'ai plus pour longtemps j'ai fait fièrement semblant d'être sérieux deux minutes devant l'écran de l'appareil je n'ai rien dit je contemplais à peine l'inexistence matérialiste de la machine puis j'ai tapé le code le ciel est un vieil endroit bleu je n'ai pas validé immédiatement j'ai confirmé le mot de passe j'ai aboyé deux fois le wifi s'est réactivité j'ai dit Woolf je suis connecté maintenant je suis relié au monde j'affirme que je suis vivant j'en ai la preuve l' identification est réussie puis j'ai pensé devant le chien que je n'ai pas après notre double aboiement il faudrait tuer assassiner la langue que je partage avec vous et le chien que je n'ai pas couper la parole la prendre la saisir autrement avant qu'elle s'estampille que l'on s'en tamponne qu'elle disparaisse pendant que l'on détourne la tête sans mot ni regard se lave se frotte les mains et se martèle en boucle d'un autre côté ce n'est pas plus mal ici c'est civilisé, développé on a ce qu'il faut à chaque saison des croquettes des chocolats des colliers des biscuits des bijoux des toiletteurs des pierres tombales des aires de jeux des magasins spécialisés pour chien il faudrait ça et il faudrait aussi vous la couper la langue et vous verrez tous avec un petit bout de langue en moins comment on aboie comment on s'exprime mal comment on ne sait plus ne peut plus parler oui la couper un peu pas totalement vous l'arracher couper votre la langue en quatre parties égales puis devant vous tuer abattre euthanasier votre chien dans un bombardement une frappe chirurgicale un attentat européen votre chien dans les décombres sous les dégâts collatéraux dans la bétonnière d'un terrain vague les os dans le ciment de la nation votre chien civilisé chape de plomb vous faire un trou oui une tranchée vous obliger à ouvrir grand votre bouche la faire sortir puis l'arracher votre langue pas totalement vous la couper la découper la sectionner en quatre petites parties distinctes les extirper à l'aide d'un couteau d'une tenaille d'un morceau de métal provenant d'une canette de coca-cola d'un tesson de bouteille de champagne d'un éclat de verre de bohème d'un cutter d'un ciseau de couturière malgache sans se précipiter avec précaution comme les guirlandes d'autrefois dans le papier crépon avant noël après l'aïd pendant la pâque faire ça avec rigueur dévouement attention devant les aboiements du chien puis lui donner les restes les petits bouts de votre langue ensanglantés et découpés les lancer dans sa direction et vous forcer à regarder le chien qui est le vôtre la bouche grande ouverte ne pas fermer les yeux devant les bouts de votre langue dans la gueule béante de votre chien sous ses crocs puissants dans sa gorge sa trachée son ventre maintenant oui vous la couper la langue et la jeter aux chiens puis les tuer devant vous vos chiens les massacrer dans des bombardements collatéraux de l'aviation occidentale il faudrait tout cela et les cris secs sans salive les sanglots retenus ravalés et la langue la vôtre les quatre extrémités découpées et en sang de votre langue dans la gueule maintenant puis la gorge le ventre de votre chien et l'aviation occidentale la mort du chien le suicide de Paul Celan à Paris dans la Seine puis l'avenue Mohamed Darwich dans le centre de Tel-Aviv pour en inventer peut-être oui pourquoi pas une autre faite d'onomatopées et de silence de la vacance du sens de sa béance du vide et sa beauté terrible ses versets ses dires sa proses et ses témoins nous aussi nous aimons la vie quand nous en en avons les moyens quand nous ne sommes pas forcés pas à trancher notre langue la sabrer la découper en quatre puis la jeter nous-mêmes dans la gueule de notre propre chien qui n'existe pas en confirmant que nous ne sommes pas des machines devant des bases de données militaires notre bonne vieille civilisation des champs de coton des chambres à gaz et des actions en cours des algorithmes des voyages dans l'espace des marches sur la lune de la bourse ou la vie oui inventer un autre langage une autre parole dans la gorge la trachée obliger les cordes vocales à ne plus combler le vide on ferait tous alors travail de littérature j'ai pensé ça et puis j'ai dit Woolf ça va ça suffit je vais sortir maintenant je vais faire un tour je vais composer des oraisons sur des petits bouts de langue en moins la fin de la littérature de l'émotion dans le langage parlé c'est finit l'acte oral on ne tremble plus la machine a remplacé la main la bouche la voix c'est tout automatique robotique numérique plus la peine de dire de chercher de trouver on te branche on te charge tu parles tu récites sans apprendre tu récites dans le vide le néant tu as ta batterie tu as l'énergie le lithium nécessaire plus la peine de penser vous pouvez paraît-il oublier la phrase l'aorte la carotide l'organe il n'y a plus de voix tout est achevé numérique et virtuel je n'existe plus je suis le chien mon chien qui n'existe pas j'attends la laisse j'attends couché devant la porte la fin de la phrase de mon maître que l'on me la passe autour du cou la laisse j'attends qu'on me sorte qu'on me transporte à bord que je dégourdisse un peu ma petite carcasse j'ai désactivé le wifi j'ai dit Woolf je sors sans toi maintenant je sors couper des langues en quatre petites parties égales et distinctes