UN AUTRE QUE TOI par Éric Scilien
Souviens-toi qu’un autre que toi pourrait être
à ta place dans cette galerie marchande
commander un café, le boire et jeter
le gobelet à la poubelle sans que rien
dans l’ordonnancement du monde
en soit modifié
un autre que toi aurait pu rencontrer
ta femme et lui faire des enfants avec
des prénoms identiques – ou si proches (peut-être Jean-Baptiste
se serait-il appelé Baptiste)
et ce poème, un autre que toi aurait pu
l’écrire, seuls quelques mots
auraient différé
quant à posséder ce que les autres
n’ont pas, cela ne change rien
à l’ordonnancement du monde
et même si cela avait été, qu’il s’agisse d’un froissement d’ailes
de papillon, d’un boucan du tonnerre de Dieu où toutes les vitres
éclateraient à la même seconde dans un déluge de cris
de flammes et de fureur, souviens-toi que le monde est
une balle de caoutchouc
quoi qu’on en fasse – qu’on la jette contre le mur
ou l’écrase sous son pied, toujours elle reprend
sa forme initiale