Un Palais (2024) par Isabelle Morino
A la Chapelle, l'Aréna couve.
Porte boudée par les J.T.,
Bercy avait plus de panache
Que cette terre éventrée, nue.
Il est temps de mettre les bou-
Chées doubles pour commencer
À l'ériger.
À ce stade, pas de quartier !
Pôle position pour les J.O.
Quels oripeaux pour les journaux ?
Des mendigots sur les parpaings,
Des gourbis à ciel découvert.
Réclamé sur son trente-et-un,
Tiré à quatre épingles (à linge),
Le Quatre-Vingt Treize soudain
Jauge sa popularité.
Lui qui ne faisait la manchette
Que pour ses abris de fortune,
Cohue-bohu récalcitrante ;
Faudra lui donner du caché...
Foule d'enfants d'la dalle crevée,
Le soir empêtrés dans les rails
Qu'il vaut mieux ne pas trop quitter.
Quand on en sort, que dalle après !
Clôtures dentelées qui mordent
Sur deux terrains (tout à fait) vagues :
Un pan chez Saint Denis et l'autre
En friches en pleine capitale,
Sans nulle lettre de noblesse.
Les camions bennes ne passent plus.
On sait faire feu de tout rebut.
Tas de gravats, tas de guenilles,
Tas de sardines avec arrêtés
De préfecture policée.
Inaugurée en pié-
Tinant l'existant,
Où rangeras-tu tes balafres,
Tes barbelés, tes traîne-lattes,
Et tes caddys abandonnés ?
Il faut de l'imagination
Pour penser un cérémonial
Au milieu des biffins rompus
Au manège de la chaussée,
– Pour se figurer des honneurs
En lieu et place des ornières.
La flamme ne prendra l'o-
Vation debout
Et les viva, et la ola,
Qu'à la force des pelleteuses ;
« De bon gré » : ainsi maugréent
Les détenteurs de décrets.
Offrandes à faire à qui
Mieux mieux,
On se sent l'esprit dispendieux
Avec des caméras braquées
Sur nos structures et nos agrès :
Là un village, là un palais
Des sports et des complexes
Surgis de terre pour agréer
Aux foules sonores de supporters.
Mais taire, enfouir sous le tapis,
Avec le vent en poupe,
Les visiteurs d'errance
Semés à l'aube des chantiers,
Riquiqui sur leurs cartons rances.