Canicule pour un dix octobre par André Markowicz
Un café à la terrasse. Je
n'entends rien, mais que pourrais-je entendre ?
Être là,– là ou ailleurs –, et pas
de ma faute. C'est comme une vague
lente de tristesse, pas une marée,
puisque la marée doit redescendre –
un état d'étrange compassion
pour n'importe qui, – pas tous ensemble
quand je m'en rends compte, et, pourtant, si,
tous ensemble, – si. L'inévitable
nous rapproche, fût-ce à contrecœur.
J'ai toujours vécu dans son fantôme
par les yeux – les yeux plus que les mots –
de ceux qui l'ont vu en vrai. Ses ruines
ont construit ce que j'essaie de dire
si j'essaie de dire quelque chose, –
que, bien sûr, je ne veux pas savoir,
né de gens qui l'ont gardé en eux
parce qu'une fois qu'on le ressent,
il vous reste même s'il s'efface
comme quelque chose dans les os
qui aurait sa vie indépendante.
Ce n'est pas qu'il se reforme, c'est
que le corps est devenu plus apte
à le figurer, et pas le corps
seul, mais l'air que nous respirons tous.
Autre chose que de l'inquiétude,
une espèce, je ne dirais pas
de sérénité mais de bizarre
assurance, – l'ange de la ruine,
le malakh ha movet de celui
qui s'était assis devant sa porte
parce qu'il était trop fatigué
pour ne pas l'attendre. Va savoir
d'où il vient mais sa noirceur est celle
de la flamme froide du granit.
Il ne pèse pas sur la poitrine,
il étend sa main, il est sans dieu.