L'Ours Blanc, revue littéraire
Les visiteurs de ce site savent presque tous que l’ours est un petit pavé situé généralement au début d'un ouvrage, qui recense les noms et adresses de l'éditeur et de l'imprimeur, et le nom des collaborateurs ayant participé à la fabrication de l'imprimé (selon Wikipédia).
Mais l’essentiel de l’ours de L’Ours Blanc, pour trois des quatre numéros reçus, se trouve au milieu de chaque exemplaire, à la suite d’un extrait de livre d’un auteur comportant les mots ours blanc ou polaire
(Jules Verne, Eric Chevillard, Fred Bruemmer et Laure Limongi).
L’isbn et le prix figurent en revanche sur la couverture de ces fascicules à l’allure cheap et le dessin sur la quatrième.
Pourquoi l’ours blanc ? peut-être parce que cet animal est, comme certains des textes que cette revue publie, en voie de disparition ? Le Directeur de la publication, Hervé Laurent, qui a dirigé avnt Carla Demierre, l’atelier d’écriture à la prestigieuse Haute Ecole d’Art et du Design de Genève, avance cette hypothèse (extrait d’un dialogue du comité où sont évoquées « les métaphores à deux balles ») :
L'Ours Blanc, il fait d'abord le tour de son petit iceberg, seulement comme l'iceberg dérive, il dérive avec lui, tant et si bien que la question de l'ici et de l'ailleurs se résout d'elle-même. C'est pratique.
out cela indique déjà que cette revue n’est pas une revue de poésie contemporaine de plus.
Le principe en est aussi nouveau que modeste: un numéro, un auteur ! « Le pari étant que le sommaire de la revue s'écrit non pas pour chaque numéro, mais s'achèvera lorsque paraîtra le dernier numéro par une récapitulation de l'ensemble des numéros parus. » (Hervé Laurent).
Des auteurs plus anciens dont les textes questionnent les pratiques des nouvelles générations. Et d’autres bien vivants, souvent jeunes « qui mènent en parallèle, mais aussi parfois en lien étroit, un travail d'écriture et un travail plastique. Il apparaît alors clairement que leur rapport au texte influence et peut même générer leur travail artistique, et qu'en retour, leurs pratiques artistiques contamine leur écriture ». (id.)
Les quatre premiers numéros ne sont pas numérotés, présentation rapide de chacun d’eux du plus ancien au plus jeune auteur.
D’abord, il y a la nécessité, traduction par Henri Jules Julien (son nom figure sur la couverture) d’un ensemble de notes de Reznikoff, sans doute préparatoires à une conférence ; elles constituent « un ajout significatif », écrit l’éditeur Seamous Cooney, « au maigre ensemble de commentaires qu’(il) a laissé sur son travail. »
Des textes « théoriques » très intéressants de l’artiste d’origine mexicaine Ulises Carrión (1941-1989) sur l’art du tampon, le mail art, la photocopie ; il explique sa guérilla contre ce qu’il appelle le Monstre et, à propos de l’utilisation de la photocopie, il écrit (traduction de Cléa Chopard, une des trois membres du comité de rédaction, les deux autres étant Vincent Barras et l’éditeur Alain Berset, fondateur en 1994 des éditions Héros-Limite) :
Contrairement à ce qui arrive généralement dans les histoires de science-fiction, ici l’être humain se rebelle contre la machine non pas parce qu’il se sent oppressé par elle, non pas pour la détruire, mais pour partager avec elle sa propre liberté, pour lui lâcher la bride afin qu’ils puissent prendre des risques ensemble.
Avec Bed and Breakfast à Vancouver, Christophe Rey (dessinateur, photographe né en 1967) présente une courte pièce, précédée de la liste des personnages, qui pourrait aussi bien être radiophonique (il est l’auteur de L’Artiste alité) ou théâtrale ou encore comme un scénario de court-métrage. Réaliste de prime abord, ce texte joue sur plusieurs trous et troubles.
Enfin, l’artiste Marie-Luce Ruffieux présente ses Dégâts magiques supplémentaires.
Les phrases sont courtes, parfois une seconde phrase en expansion succède à une première brève, toute simple. La prose bien rythmée, presque musicale décrit une succession brutale, sèche, de séquences qui pourraient être oniriques si un humour grinçant ne prenait sans cesse le dessus.
Chaque n° coûte 5 €
Une revue qui cultive les irrégularités et les dérives qu'on aime.