Brouhaha par Maud B. David
Demain je sais. Je ne me plaindrai plus. Se calmer. Ne plus penser. Le réel n'avait pas de réalité, il m'a fallu en fabriquer une, surnager à tout prix, même au risque du paradoxe insoutenable. Je me suis donnée d'être mère. Il faut qu'il parte. Je commence à les détester. Je n'arrive pas à les aimer. Etre mère. C'est déjà un mot, comme une image, je peux le décider totalement vide ou puissamment tragique. S'ils m'aiment et je ne les aime pas, je ne comprends pas. Je me blesse.
Enfant, pour me soigner je me coupais. Les mains. Silencieusement. Plume d'acier ou couteau denté. Doucement. Juste. Pour me soigner. Passer. M'occuper. De moi de mon sang. Je continue de me blesser mais je ne sais plus me soigner. Il suffirait juste. Arrêter de se blesser. Qu'ils partent alors. Que je ne les aime plus. Même pas un petit bout d'eux. Le bout de leur amour pour moi. Je ne suis pas obligée. Aimer n'est pas une raison de se faire aimer. Arrêter. Entendre sans aimer. Ne plus vouloir écouter. On ne rattrape rien. Les enfants sont encore éveillés. Ils claquent des portes. C'est la nuit. Continuez. Continuez de claquer du bruit. Que je vous aime encore. Chassez ces hommes qui me regardent. Chassez l'arrêt. Ces visages que je ne saurais suivre. Pas beaux. Enfermés. Ceux qui me disent que je ne suis pas là. Pour eux.
On n'est plus allongé sur le lit côte à côte dans la pénombre alors pourquoi cette histoire est insupportable. Pourquoi cette histoire nous donne envie de lui couper les mains. Pourquoi il nous dégoûte. Pourquoi on a des images insoutenables dans la tête quand on fait l'amour avec lui. Pourquoi cette histoire a rendu notre corps sale de l'intérieur et qu'on a envie de le poignarder et de ne plus s'arrêter de rentrer la lame dans son dos quand il est sur nous le corps nu à prendre du plaisir alors qu'on l'aime. L'impossible qui s'installe entre soi et chaque chose du monde. Lui aussi il vit dans l'impossible à la surface de la terre alors il ne veut pas entendre que cette histoire est de l'impossible entre nous. Parce qu'il ne veut plus être seul. Parce qu'il aimerait en finir et s'ouvrir au monde. Mais on est devenu complètement lui et il n'y a presque plus de monde en soi.
Ce soir il y a un vent extraordinaire. Chaque jour je rejoue la vie de l'humanité entière. Je me réveille fatigué, embrouillé par mes rêves. Jusqu'à onze heures je m'emploie à remettre de l'ordre. Vers midi j'ai un sursaut d'énergie, la journée est encore longue et je suis enthousiaste. Je me nourris et retombe fatigué. Je me raisonne, j'accomplis les tâches pratiques, j'organise, j'encadre. Vers seize heures j'ai le sentiment et la preuve d'avoir fait quelque chose. Vers dix-sept heures j'ai un espoir fou de vivre l'inconnu. A dix-neuf heures je suis fatigué de mon excitation. A vingt heures je suis déprimé de n'avoir rien fait d'aventureux, je me nourris, et à vingt et une heure je plonge dans les histoires des autres. Etre immobile ou courir. Chaque acte, chaque geste. Je ne peux plus la voir. Devant moi, elle est ce que je ne suis pas et je n'arrive plus à la croire.
Enfant, pour me soigner je me coupais. Les mains. Silencieusement. Plume d'acier ou couteau denté. Doucement. Juste. Pour me soigner. Passer. M'occuper. De moi de mon sang. Je continue de me blesser mais je ne sais plus me soigner. Il suffirait juste. Arrêter de se blesser. Qu'ils partent alors. Que je ne les aime plus. Même pas un petit bout d'eux. Le bout de leur amour pour moi. Je ne suis pas obligée. Aimer n'est pas une raison de se faire aimer. Arrêter. Entendre sans aimer. Ne plus vouloir écouter. On ne rattrape rien. Les enfants sont encore éveillés. Ils claquent des portes. C'est la nuit. Continuez. Continuez de claquer du bruit. Que je vous aime encore. Chassez ces hommes qui me regardent. Chassez l'arrêt. Ces visages que je ne saurais suivre. Pas beaux. Enfermés. Ceux qui me disent que je ne suis pas là. Pour eux.
On n'est plus allongé sur le lit côte à côte dans la pénombre alors pourquoi cette histoire est insupportable. Pourquoi cette histoire nous donne envie de lui couper les mains. Pourquoi il nous dégoûte. Pourquoi on a des images insoutenables dans la tête quand on fait l'amour avec lui. Pourquoi cette histoire a rendu notre corps sale de l'intérieur et qu'on a envie de le poignarder et de ne plus s'arrêter de rentrer la lame dans son dos quand il est sur nous le corps nu à prendre du plaisir alors qu'on l'aime. L'impossible qui s'installe entre soi et chaque chose du monde. Lui aussi il vit dans l'impossible à la surface de la terre alors il ne veut pas entendre que cette histoire est de l'impossible entre nous. Parce qu'il ne veut plus être seul. Parce qu'il aimerait en finir et s'ouvrir au monde. Mais on est devenu complètement lui et il n'y a presque plus de monde en soi.
Ce soir il y a un vent extraordinaire. Chaque jour je rejoue la vie de l'humanité entière. Je me réveille fatigué, embrouillé par mes rêves. Jusqu'à onze heures je m'emploie à remettre de l'ordre. Vers midi j'ai un sursaut d'énergie, la journée est encore longue et je suis enthousiaste. Je me nourris et retombe fatigué. Je me raisonne, j'accomplis les tâches pratiques, j'organise, j'encadre. Vers seize heures j'ai le sentiment et la preuve d'avoir fait quelque chose. Vers dix-sept heures j'ai un espoir fou de vivre l'inconnu. A dix-neuf heures je suis fatigué de mon excitation. A vingt heures je suis déprimé de n'avoir rien fait d'aventureux, je me nourris, et à vingt et une heure je plonge dans les histoires des autres. Etre immobile ou courir. Chaque acte, chaque geste. Je ne peux plus la voir. Devant moi, elle est ce que je ne suis pas et je n'arrive plus à la croire.