L'initio... par Fabienne Villani
...elle me montre ses tableaux, des jungles de couleurs entrelacées, des toiles d'inextricables méandres, on dirait le fin fonds desbayous du Mississipi, là où n'arrive plus la lumière, plus d'air, plus deciel, plus de terre, rien qu'un mélange de lianes liées aux arbres, liées à l'eau, une indifférenciation saisissante rappelant que les boues sont aussila chair, la poussière, que tout naît d'une sauvage anarchie et malgré touts'organise vers la beauté, vers cettes fabuleuse histoire des atomes, versla mélodie des étoiles ...come, come, come to my sweet melody ...mais jem'éloigne...toujours ce lyrisme en moi, ces débordements, cette violencecontenue, qu'est ce qu'elle exprime cette femme dans ces peintures, cesgouaches, ces huiles, ces pastels, et qui finit par être beau? son angoisse?sa solitude? sa perception d'un monde sans issue? elle m'a offert du thé, etje sentais qu'il fallait que je reste, que c'était peut être aussiimportant que de débrancher sa chimio -je l'ai écoutée parler longtemps, meraconter sa vie, ses parcours, ses défaites, le pessimisme de ceux qu'ellecroise, et même leur peur face à elle...le soleil de la rue m'était uneinsulte quand je suis ressortie, le cirque des journaux me crachait au visage l'organisation humaine, tout ce cadre tranquille, illusoire dans lequel tousnous nous occupons de foutaises sans aucune conscience du temps, mais ladéconstruction littéraire pour moi n'est rien, n'est pas vraiment subversive, le saut est quantitatif mais pas qualitatif, on construit les tours jumelles, on détruit les tours jumelles, on tisse des phrases, inventant des romantismes ,des formes ,des modes qui à leur tour vont définir, on explose les phrases, on casse les supports, on retourne les surfaces, c'est le mêmejeu, c'est la même rengaine, c'est le même sommeil, cela reste très paisibleen fait, TEXTE ou TXT quelle différence? rien de cela n'est assez violent, rien de cela ne change vraiment le monde, et tout le change en même temps chaque pierre apposée affole l'architecture, dans la violence vraiment violente, il n'y a plus rien, ni sens , ni non sens, l'esprit se réduit àl'épure, à l'ascèse, rien, niente, nothing, nada, il n'y a rien, on seretrouve à l'aube du monde, des immémoriaux, de ceux là qui plongent dansles flots des mots, et y nagent jusqu'à l'oubli.L'initio...