ils comprirent... par Philippe Boisnard
ils comprirent ce qui m'animait ils n'acceptèrent pas le commerce que j'entretenais avec la maladie des autres corps il était pour eux inadmissible que je puisse échanger ma souffrance contre celle des autres rapport biaisé je n'étais pas la machine qu'ils pensaient avoir trouvé je n'étais pas le doux ronronnement des doigts qui claquent sur le clavier de la saisie je n'étais pas la mécanique formatée d'une apathie qui traite la maladie comme n'importe quelle information bit après bit octet après octet corps formaté programmé gérer dans les archives une nouvelle fois renvoyé une nouvelle fois montré comme l'indésirable on m'a dit lorsqu'ils prirent congé de moi que j'étais sadique on m'a dit que je me délectais de la douleur des autres hommes on m'a dit qu'il était insupportable de voir mon sourire lorsque je tapais les colonnes de chiffre on m'a dit que ma présence était trop incarnée pour que je puisse continuer à être dans l'ensemble des rouages de cette caisse de remboursement pourtant je faisais bien mon travail je pouvais même suivre les dossiers connaissant chaque patient suivant l'évolution de sa maladie ses rechutes m'enfonçant de plus en plus dans son corps à chaque courrier personne ne pouvait prétendre autant connaître ses dossiers tout simplement parce que personne n'avait la même urgence que moi de trouver d'autres corps pour être pour devenir soi-même homme signe que je ne pouvais m'accorder avec eux ils n'acceptaient pas la grande ruse mon affect ne pouvant être repris dans leur logique ruse impossible à penser pour eux mon affect pour la maladie était l'étranger de ce qu'ils prétendaient imposer comme manière d'être à la rue mon corps à la rue ma seule possibilité d'existence à la rue celui qui n'accepte pas les règles mouvantes de la communauté nouvelle recherche d'un travail ne pas renoncer à m'oublier trouver le lieu de la perte de moi dans le transfert sur l'extériorité quelques jours à éplucher les pages d'offres d'emploi