Claire Guezengar (1972-2014) par Stéphane Bérard
Bulletin du mardi 18 février 2014.
On dit un dandy, comme on dit d'une nuée un nuage. Aussi, jusqu'à ce que je reçoive, plein écran une image de fin d'après-midi, depuis le pont arrière - je crois qu'on dit comme ça quand on tourne le dos à l'avant des bateaux pour saisir l'état du désastre. Cette image comme emprise prise par mon ami Reymond Fabrice depuis la navette maritime d'entre l'île de Batz et le reste, au retour... me laissait accroire finalement que l'alentour n'était pas aussi bourré d'eau froide, sombre, percé de poteaux aux trois quarts submergés, quand une marée stupide amène des particules merdiques à toutes les mauvaises coquilles habitées, à moitié, par du vermisseau, des groupuscules, de la vase, des crapauds de mer, de la vaseline sauvage, des pneus protecteurs contre les coques, bref ce J'y suis. C'est ici. À moi de jouer était donc ce précis paysage ? Si je comprends bien mes intuitions, tous mes adages depuis trois-quatre millénaires, à la place de Claire, nous avons maintenant un paysage beaucoup trop lacustre et sombre, des nuages fourbus s'y affalent, disparaissent nulle part ou carrément forment une métaphore absconse. Mais non, ça ne marche pas. Même la métaphore échoue. L'Imaginaire, le Réel et le Ribouldingue tentent de me faire croire que Claire est devenue le paysage. Désolé chères instances, je ne l'accepte pas.
À la place de Claire maintenant il y a un putain de paysage breton ! Claire n'est pas un paysage. Claire n'est pas du manger pour les équipées débiles de crabes, de sauterelles des mers ou de super varech. Claire n'est pas un bunker avec du lierre construit par des travailleurs français sous l'occupation pour s'occuper un peu. Claire n'est pas le sable. Claire n'est ni l'air, ni le zéphyr qui souffle en haleine sur la Bretagne. Ni racines, ni radicelles. Nous ne sommes pas un connard de radis. Claire n'est pas une salade. J'ai du mal avec le cosmos. Claire n'est pas dans la soupe de poisson autour des rochers, ni le remous mousseux du bateau en train de regagner le continent abject - cette île trop grosse et bête que l'on appelle un continent. Claire n'est pas dans le décorum, il va falloir trouver une autre idée. Une idée en forme d'élève qui est accueillie en un établissement d'excellence vers une parfaite réinvention d'elle-même ?