David Lynch (1946-2025) par Michaël Moretti

Les Célébrations

David Lynch (1946-2025) par Michaël Moretti

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Crying de Roy Orbison chante Del Rio au Silencio. La boîte rêvée devenue réelle a été décorée par Lynch à Paris. Peintre - influencé par Hooper et Bacon -, dessinateur, sculpteur, photographe, graveur, plasticien option installation, musicien, chanteur, pubard, météorologue, vendeur de café bio et prince du quinoa, le tout sous-tendu par la méditation transcendantale comme la théosophie chez Mondrian, le cinéaste et acteur, influencé par Wilder, Hitchcock, Fellini, Bergman, Tati, Herzog, Polanski et Godard, a rejoint Laura Palmer, icône pop sur la musique du fidèle Badalamenti lors de la naissance de la quality tv et de la série de cinéaste à laquelle devait appartenir Mulholland Drive (2001). La blue box est ouverte. Feu Lynch, avec La femme à la bûche de Twin Peaks, Fire walk with me (1992), le prequel, l’allumette en gros plan en ouverture de Sailor et Lula (1990), les feux dans Lost Highway (1997), l’exposition «The Air Is on Fire» à la Fondation Cartier en 2007, décède d’un emphysème pulmonaire, après avoir été sous masque à oxygène comme Booth dans Blue velvet (1986), pour s’être trop délecté de mortelles volutes dont il nous subjugua encore en incarnant John Ford dans The Fabelmans (Spielberg, 2022), sur fond de Cité des anges actuellement en flammes. Une oreille coupée mangée par des fourmis dans la pelouse proprette, une voiture perdue dans la nuit avec Bowie chantant I'm deranged sur fond de procès d’O. J. Simpson : l’univers esthétique, peuplé de noires obsessions, est fort, l’ouverture cloue. Un phare dans la nuit. Le dandy à la houpette, grand comme Stewart et à la voix des grandes plaines, a planté Twin Peaks et Mulholland Drive dans la carte de nos imaginaires, a révélé Kyle MacLachlan, Isabella Rosselini, Laura Dern - Inland Empire (2006) est fondé sur sa bouche distordue à cause de la peur alors que Lynch promeut Laura à coup de vache - et Naomi Watts. Le plus européen des Américains a recréé le road-movie avec Sailor et Lula, un couple passionné halluciné dans Le magicien d'Oz (Fleming, Vidor, 1939) - un nouveau romantisme -, et Une histoire vraie (1999) à la vitesse d’une tondeuse à gazon ; il n’a eu de cesse de sonder les fondations vermoulues et tourmentées de l’american way of life. Elephant man, grâce à Mel Brooks épaté, comme Kubrick, par Eraserhead (1977), a l’œuvre qu’il Merrick. Créer un adjectif n’est pas donné à tout le monde : « œuvres à la fois concrètes et évocatrices de mystère. » (Richard A. Barney). Œuvre est le terme : intemporelle, multiplicité d’interprétations, ordonnancement du chaos, une vision décalée du monde, intuitions, être près de ses sensations, ne pas sortir d’une projection dans le même état. C’est cela être artiste. Dix longs-métrages. Une conscience pure et unifiée, la fluidité d’une réalité réversible au gré du sound design. Crying