27 mai
2010
Abonder d'Antoine Dufeu
Ce livre se lit d'une traite du premier au dernier vers, 264 pages bien remplies, impossible de le lâcher et difficile de comprendre pourquoi d'autant que le lyrisme s'affiche aussi tranquillement candide que la thématique, une apologie de l'amour et du communisme qui doit beaucoup, théoriquement, à Badiou, l'humour en plus.
Bon sang, comment ça fonctionne ?!
La disposition spatiale des vers est très fonctionnaliste, faite pour faciliter la lecture et non par esthétisme mais les subdivisions sont plus qu'énigmatiques (Esquisse d'une commotion puis Esquisse d'une commotion monde avec des Interludes) ; le choix des polices a été effectué avec la même rigueur : il y a des passages en hyper minuscules produisant un effet comique, des gags dignes de Gotlib mais pas systématiquement ; chaque geste typographique semble toujours justifié, en tout cas il obéit à une nécessité qui opère en douce et distille des bienfaits peut-être même pas escomptés.
La posture du poète juché pour s'adresser à ses contemporains a d'illustres prédécesseurs mais serait difficilement tenable aujourd'hui : Antoine Dufeu a inventé son alter ego, présenté comme tel dans le texte et le nom lui-même, Arthur Gonzalès-Ojjeh (initiales A et G-O), né 6 ans après l'auteur, première parade avec effets bénéfiques secondaires, l'irruption de récits qui emportent et troublent. Les effets de réel ne sont pas négligés pour autant puisque la dédicataire de l'ouvrage se prénomme Valentina et qu'elle apparaît comme l'aimée dans le récit, (même prénom que la dessinatrice de SEnsemble).
Presque à la fin du livre, p. 241, on découvrira qu'une commotion mondiale a emporté les vieux slogans du romantisme révolutionnaire ... / et provoqué un axiome limpide ... cet amalgame de candeur et de perversion, de sincérité et d'ironie, d'exaltation et de distance, on ne le trouve guère que chez Ducasse, il déstabilise, bouscule, dérange, inquiète : c'est la poésie qui ne promène pas comme le roman pour Stendhal un miroir le long d'un chemin, celle qui en installe plusieurs, et déformants, autour de tous les paysages mentaux du lecteur ; cela ne les empêche pas, ces miroirs, de montrer ce qu'est le groupe Bolloré dans le contexte actuel, comment il fonctionne et fait fonctionner nos mondes (p. 146-148). Pourtant, peut-être grâce au miroir de la Castafiore et à la lecture de Merleau-Ponty (cité en exergue), le texte ne verse jamais dans la pénible rhétorique militante de ses référents maîtres.
Attention, ce livre est un brûlot, Antoine Dufeu est dangereux.
Mais existe-t-il seulement ou s'agit-il d'un pseudonyme ? !Ses ouvrages précédents ne sont pas passés complètement inaperçus de ses pairs (cf. plus haut sur ce site la recension de R. De Niveau et celle de Charles Pennequin), il a obtenu des aides du CNL, on peut voir sa photo, lire sa bio-bilio et l'entendre (assez bof bof, bafouillant) sur le site du cipM ; il a également fait une revue avec Christophe Manon : plombée par son éclectisme lourdingue, MIR n'a duré que deux numéros.
A l'image de son livre si puissant et ambivalent, Antoine Dufeu se joue de l'exister et du non-exister de la scène contemporaine, on ne peut qu'abonder (quel beau titre !) dans ses sens.
Bon sang, comment ça fonctionne ?!
La disposition spatiale des vers est très fonctionnaliste, faite pour faciliter la lecture et non par esthétisme mais les subdivisions sont plus qu'énigmatiques (Esquisse d'une commotion puis Esquisse d'une commotion monde avec des Interludes) ; le choix des polices a été effectué avec la même rigueur : il y a des passages en hyper minuscules produisant un effet comique, des gags dignes de Gotlib mais pas systématiquement ; chaque geste typographique semble toujours justifié, en tout cas il obéit à une nécessité qui opère en douce et distille des bienfaits peut-être même pas escomptés.
La posture du poète juché pour s'adresser à ses contemporains a d'illustres prédécesseurs mais serait difficilement tenable aujourd'hui : Antoine Dufeu a inventé son alter ego, présenté comme tel dans le texte et le nom lui-même, Arthur Gonzalès-Ojjeh (initiales A et G-O), né 6 ans après l'auteur, première parade avec effets bénéfiques secondaires, l'irruption de récits qui emportent et troublent. Les effets de réel ne sont pas négligés pour autant puisque la dédicataire de l'ouvrage se prénomme Valentina et qu'elle apparaît comme l'aimée dans le récit, (même prénom que la dessinatrice de SEnsemble).
Presque à la fin du livre, p. 241, on découvrira qu'une commotion mondiale a emporté les vieux slogans du romantisme révolutionnaire ... / et provoqué un axiome limpide ... cet amalgame de candeur et de perversion, de sincérité et d'ironie, d'exaltation et de distance, on ne le trouve guère que chez Ducasse, il déstabilise, bouscule, dérange, inquiète : c'est la poésie qui ne promène pas comme le roman pour Stendhal un miroir le long d'un chemin, celle qui en installe plusieurs, et déformants, autour de tous les paysages mentaux du lecteur ; cela ne les empêche pas, ces miroirs, de montrer ce qu'est le groupe Bolloré dans le contexte actuel, comment il fonctionne et fait fonctionner nos mondes (p. 146-148). Pourtant, peut-être grâce au miroir de la Castafiore et à la lecture de Merleau-Ponty (cité en exergue), le texte ne verse jamais dans la pénible rhétorique militante de ses référents maîtres.
Attention, ce livre est un brûlot, Antoine Dufeu est dangereux.
Mais existe-t-il seulement ou s'agit-il d'un pseudonyme ? !Ses ouvrages précédents ne sont pas passés complètement inaperçus de ses pairs (cf. plus haut sur ce site la recension de R. De Niveau et celle de Charles Pennequin), il a obtenu des aides du CNL, on peut voir sa photo, lire sa bio-bilio et l'entendre (assez bof bof, bafouillant) sur le site du cipM ; il a également fait une revue avec Christophe Manon : plombée par son éclectisme lourdingue, MIR n'a duré que deux numéros.
A l'image de son livre si puissant et ambivalent, Antoine Dufeu se joue de l'exister et du non-exister de la scène contemporaine, on ne peut qu'abonder (quel beau titre !) dans ses sens.