07 févr.
2009
AïE ! BOUM, poème-fiction de Gilles Amalvi par Joris Lachaise
« AïE ! BOUM », genre : polar lyrique (?)
Vous lirez un poème où la victime se dilue dans l'enquêteur.
Vous reprendrez l'enquête à zéro :
La victime est un historien.
Le commissaire est l'assassin.
L'assassin est témoin :
il récuse la totalité du réel.
Vous verrez, l'enquête piétine.
La victime est un historien.
Le commissaire est l'assassin.
L'assassin est témoin :
il récuse la totalité du réel.
Vous verrez, l'enquête piétine.
« AïE ! Boum » est le titre onomatopéique du dernier livre de Gilles Amalvi. Sorte de symbole algébrique, ou formule-mana, il se substitue à la totalité non-perçue et (probablement) contenue sous sa couverture. L'effet de déflagration du sens qu'il opère ne peut être ressenti qu'une fois le volume parcouru ; car c'est le temps du récit, celui de la lecture qui en un cri, une détonation se résume dans les signes affichés à la surface du livre.
« AïE ! Boum » est peut-être le seul sens, produit de la contraction en deux mots - ou en un bruit - des deux bords du récit. Rien d'autre qu'une interjection, la formule sourde d'une explosion mentale. Mais le titre a entre temps creusé en lui un vide susceptible de recevoir une multiplicité de sens - et de genres. C'est qu'entre « Aïe » et « Boum » manque un lien logique - la trace d'une articulation subjective qu'aucune fiction, aucune enquête ne peut entièrement rétablir. Reste le point d'exclamation, comme un rapport d'intensité entre les deux bords que parcourt le lecteur.
Ce rapport est toujours erratique, incertain. …tabli suivant le rapport d'enquête de l'auteur, et d'après celui de son personnage - le commissaire - le rapport dont se charge le lecteur n'est jamais qu'un rapport d'inadéquation, un commentaire après coup, une poursuite sans cesse différée. C'est au creux de ce lien logique manquant entre AïE et BOUM que se construit le poème. Non comme annulation du sens - mais plutôt comme son report : on attend d'autres pistes, toujours il faut se reporter à d'autres preuves - traces, balises laissées derrière lui par un sujet situé hors-champ.
La poursuite, la forme de l'enquête - et peut-être même le polar comme genre - font figures de la construction du récit, tout en révélant son éparpillement. La jouissance de la poursuite, de la construction et de la reconstitution du sens de l'histoire n'est exposée que pour être mieux contrariée. Car l'auteur, qui nous empêche d'aller au terme de ce mouvement, nous attend en embuscade pour nous déporter vers une série de bonus, qui sont autant de nouvelles pièces à ajouter au puzzle : « On pourrait tout aussi bien utiliser ces pièces pour jouer une autre partie parallèle - partie qui pourrait triompher de l'officielle... ».
Reste à rembobiner - Rewind - pour refaire le parcours en sens inverse :
Vous reprendrez l'enquête à zéro :
Le témoin est l'assassin.
L'assassin est le commissaire.
La victime est un historien.
La totalité du réel est sa récusation.
Le témoin est l'assassin.
L'assassin est le commissaire.
La victime est un historien.
La totalité du réel est sa récusation.