Au commencement des douleurs de Pascal Boulanger par Brigitte Donat
Pascal Boulanger poursuit à travers ce recueil son travail d’écriture dans une recherche du continu du poétique et du politique. Ravivant par le titre, la vision eschatologique de St Matthieu « Vous allez entendre parler de guerres et de bruit de guerres… tout cela c’est le commencement des douleurs. », le poète enracine ses textes, dans une lecture réécriture de la Bible, renouant de cette manière avec une parole issue d’un passé lointain. Le poème emprunte à sa suite la voie prophétique et se chargeant de dévoiler la violence primitive perpétuellement en acte, il peint le désastre, la dévastation en cours.
La première section livre ainsi de tableaux en tableaux la vision des traînées sanglantes de l’histoire dans un tumulte répété de sons et d’images insensées. C’est même avec des élans tragico-jubilatoires, que l’écriture devient monstrative développant l’esthétique des grotesques. Des hypotyposes fascinantes multiplient des scènes horrifiques et saugrenues, et par leur licence et leur sauvagerie menacent nos représentations lisses d’un monde normalisé soumis à l’ordre des raisons. Par une mise en abîme, le poème dans ses circonvolutions déclare
« C’est écrit dans la parodie l’ironie l’atroce aphasie de ce qui nie dénie renie »
Pour autant s’il y a une jubilation à exhiber la monstruosité humaine à l‘homme moderne qui ne veut rien voir, il n’y a aucune complaisance à s’y enfermer. L’immense comédie est vite congédiée avec la rapidité du trait par la présence du Crucifié qui s’oppose au dionysiaque et à sa violence primitive.
A l’aune de cette connaissance se défait la faune des croyances et des illusions. La seconde section, ironiquement intitulée Les grandes épopées, égrène la ruine de l’Occident et de ses conquêtes au cours des siècles, à travers de micro scènes du Moyen Âge jusqu’à nos démocraties. Le monde inguérissable laisse cependant place à l’affranchi, à son exil, à son recueillement. Mieux vaut congédier le marasme par l’hommage toujours affirmé à la beauté du monde et à la nostalgie de la grandeur de ce qui fut. Dans une liste d’une centaine d’appellations, Pascal Boulanger dans Perfection, dernière section du recueil, rend grâce « Aux rituels anciens / Aux chevaliers mystiques / Au Christ tout neuf / Au chant de l’affirmation / A l’affirmation plus lumineuse que toute preuve. »