ce que je n'ai pas dit à Bob Dylan de Jalal El Hakmaoui
Postface
Ce livre est une action de résistance de ma poésie arabe contre les ruses de l’Histoire. Ma langue est un couteau neuf coupant les deux hégémonies en place : française et moyen-orientale. J’avance dans le monde avec ma langue (otage des fanatiques) fourchue sur l’abîme de la globalisation. Je suis texte-expérience, petits récits du flux vivant, imaginaire occidental détourné, désert d’Arabie, signes amazigh, arabité radicale (aller à la racine, Marx), bilangue, humour, auto-dérision, fin des idéologies panarabes (des idéologies tout court), idéologie fantasmée d’une langue absente, diglossie heureuse, dialectal postcolonial.
Se suivent mes corps en mouvement globalisé. Des textes, des imaginaires américanisés où le dromadaire dépasse l’écran de télévision, le déluge religieux sauve le bateau ivre rimbaldien, la langue d’Adam (arabe selon le texte sacré) suce la langue de Sharon Stone, ici et là-bas.
Mon bilinguisme est enfer. Enfer. Enfer. France & Moyen-Orient. Ma langue poétique est fourchue extra-muros, communautaire à volonté, ouverte, érotique, misérable, souveraine, humaine. Mon bilinguisme me tue. Mon bilinguisme me ressuscite. Mon bilinguisme, je l’en merde. Ma mère et ma maitresse se disputent ces textes. Ma langue poétique louche vers la cadillac de Méraly. Un horizon mi-homme mi-monstre politique, mi –continent, mi-île, mi-mort, mi-vivant.
Empire. Mac Donald’s. Poésie. Ma langue poétique mineure. Empire. Macdonaldisation. Maroc. Mosquées. Barbus. Diglossie malheureuse. Bilinguisme. Colonisation crime contre l’humanité. Mutations. Doors. Elite. Et puis, mes textes continuent leur chemin du monde (poing levé). Je continue ma guerre linguistique contre les fantômes de l’histoire hégémonique. Ces textes poursuivent des petits récits de blessures du nom propre. Mon nom propre.
Me traduire. Me voir dans le miroir de mon propre miroir. Ma langue poétique brise le miroir de la fiction immédiate. Mon dire s’enlise dans ma graphie double. Je dis nous, nous disons je. Tribu de mots. Mots de tribu. La double critique (A. Khatibi) est ma langue poétique. J’avance dans nous. Nous avançons dans le tatouage du je. La langue arabe me suit, me précède et me devance. Je tournoie dans ces textes offerts à l’absolu nouveau.
Ce livre est ma géographie giratoire des langues. Les miennes. Les nôtres. Du Maroc vers le silence carcéral des communautés invisibles. Des communautés invisibles vers ma langue-notre langue poétique en déconstruction. Déconstruction de mémoire, de blessures et de récits communs. Nous allons en direction des aigles survolant l’infinité des crispations structurelles, vers nous–mêmes et vers le néant béant de l’occident épuisé. Ma géographie est ma bilangue. Ma bilangue est votre fenêtre ouverte sur le bleu du ciel à venir.