09 sept.
2009
Cutter d'Yves Ravey
Dans Cutteur il y a tout ce qui saisit le lecteur.
Un cutter, l'outil-arme rendue célèbre et terrifiante par les attentats du 11 septembre : mêmes sons à l'initiale et en finale que Kaltenmueller, le nom du couple en première vue dans ce roman. On retrouve ce même phonème [ k ], au cœur bien écorché et accroché de Lucky, le héros narrateur, également à la fin de Luke, facilement associé à ce prénom.
Les sons chez Ravey n'ont pas moins d'importance que les coquelicots (deux fois
[ k ] inclus) ou les perroquets (une seule fois) qui ornent la robe blanche de Madame Kaltenmueller.
Les sons et les noms des personnages comme Pithiviers qui est à la fois une ville et un gâteau (au goût bien fourré). Ou Lili, la sœur adorée de Lucky, sonorement accordée à lui, reliée pour la vie.
Les voitures, une Ford Taunus, une Ami 6, une R8 Gordini, les voitures ne se contentent pas d'indiquer une époque comme l'a remarqué Maryline Desbiolles en recensant le livre précédent de l'auteur, Bambi Bar : intransitivement, elles marquent.
Et l'on se rend compte que tous les éléments, à égalité, marquent au même titre que l'argent, le sexe et le sang.
Il y a le narrateur Lucky, un demi-héros, un gamin en apprentissage, tout le monde le prend pour un idiot : il ne cesse de tourner autour de l'action, d'épier les adultes avec des stratégies élaborées, de mimer tel geste ou de se laisser manipuler, menacer, malmener.
Il y a égalementtout ce qu'on ne voit pas, pas de descriptions de paysage, de décors, de visage, d'expression, aucun des signes du dialogue (guillemets tirets). Pas de sentence, pas de jugement, pas de maxime, pas de psychologie, pas de métaphysique, pas de mise en abyme. Pas de citations.
Il y a cette narration qui paraît simple, aussi efficace que celle du thriller. Aussi simple et efficace que le dessin chez De Kooning, un épais travail de la pâte : peinture ou cuisine, voir encore Maryline Desbiolles qui, cette fois à propos de L'épave, évoque la pâte feuilletée par opposition à la pièce montée.
Il y a aussi des vêtements comme la veste en daim à franges de Pithiviers et tout ce qu'on vient d'énumérer laborieusement, avec le réseau des associations sémantiques, si fin et si dégagé de toute intention, les sons comme les habits, absolument tout, ce qu'il y a et ce qu'il n'y a pas, TOUT a autant d'importance chez Ravey, tout est saisi dans la même pâte et battu par l'alternance du style direct et indirect. Il n'y a pas un élement, pas un mot plus haut que l'autre, chaque mot est très haut, chaque mot est très bas.
Tout marque.
Un cutter, l'outil-arme rendue célèbre et terrifiante par les attentats du 11 septembre : mêmes sons à l'initiale et en finale que Kaltenmueller, le nom du couple en première vue dans ce roman. On retrouve ce même phonème [ k ], au cœur bien écorché et accroché de Lucky, le héros narrateur, également à la fin de Luke, facilement associé à ce prénom.
Les sons chez Ravey n'ont pas moins d'importance que les coquelicots (deux fois
[ k ] inclus) ou les perroquets (une seule fois) qui ornent la robe blanche de Madame Kaltenmueller.
Les sons et les noms des personnages comme Pithiviers qui est à la fois une ville et un gâteau (au goût bien fourré). Ou Lili, la sœur adorée de Lucky, sonorement accordée à lui, reliée pour la vie.
Les voitures, une Ford Taunus, une Ami 6, une R8 Gordini, les voitures ne se contentent pas d'indiquer une époque comme l'a remarqué Maryline Desbiolles en recensant le livre précédent de l'auteur, Bambi Bar : intransitivement, elles marquent.
Et l'on se rend compte que tous les éléments, à égalité, marquent au même titre que l'argent, le sexe et le sang.
Il y a le narrateur Lucky, un demi-héros, un gamin en apprentissage, tout le monde le prend pour un idiot : il ne cesse de tourner autour de l'action, d'épier les adultes avec des stratégies élaborées, de mimer tel geste ou de se laisser manipuler, menacer, malmener.
Il y a égalementtout ce qu'on ne voit pas, pas de descriptions de paysage, de décors, de visage, d'expression, aucun des signes du dialogue (guillemets tirets). Pas de sentence, pas de jugement, pas de maxime, pas de psychologie, pas de métaphysique, pas de mise en abyme. Pas de citations.
Il y a cette narration qui paraît simple, aussi efficace que celle du thriller. Aussi simple et efficace que le dessin chez De Kooning, un épais travail de la pâte : peinture ou cuisine, voir encore Maryline Desbiolles qui, cette fois à propos de L'épave, évoque la pâte feuilletée par opposition à la pièce montée.
Il y a aussi des vêtements comme la veste en daim à franges de Pithiviers et tout ce qu'on vient d'énumérer laborieusement, avec le réseau des associations sémantiques, si fin et si dégagé de toute intention, les sons comme les habits, absolument tout, ce qu'il y a et ce qu'il n'y a pas, TOUT a autant d'importance chez Ravey, tout est saisi dans la même pâte et battu par l'alternance du style direct et indirect. Il n'y a pas un élement, pas un mot plus haut que l'autre, chaque mot est très haut, chaque mot est très bas.
Tout marque.