Enfant de perdition de Pierre Chopinaud, extrait
Nous reviendrons bientôt sur ce livre qui sort en librairie le 3 janvier.
Un premier livre qui n’en est pas un dans la mesure où on y entend une voix qui retrouve et exhausse un français inouï, quelque part dans la bibliothèque entre Sade et Ramuz.
Extrait avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur.
J’entendis la première fois cette clameur comme elle montait du peuple français prenant la Bastille quand mon père voulant que j’apprisse l’histoire me la fit entendre. Je me figurais, depuis ses genoux sur quoi j’étais, dans la nuit derrière la vitre de la cuisine où il me racontait, la foule marchant au milieu des flammes et des canons, du bruits des bris de vitre tombant sur la chaussée au milieu de milliers de pas sans ordre qui étaient le rythme confus de l’écoulement d’un fleuve qui dans l’orage et la foudre débordait. La terreur était l’effet que me fit la clameur étant le cri des âmes dissolues dans la volonté de vengeance. Mon père, puisqu’il était comme moi de cette foule l’enfant, me la faisant entendre criant, se voyait parmi elle régénérer l’histoire et justifier le meurtre par ce qu’il rétablit la justice dont l’univers avait été privé par d’injustes souffrances. De la justice, alors sachant si peu sinon qu’elle était dite par mon père, je ne pouvais rien entendre dans la clameur des révolutionnaires, et s’il me voyait avec lui marcher dans le pas du peuple messianique, je me voyais secrètement depuis le chagrin inconsolable de l’enfant dont le père monte à l’échafaud.