07 sept.
2003
Grand-Mère quéquette de Christian Prigent.
Un livre vient de sortir qui domine sans peine le flot sans surprise de la rentrée, celui de Christian Prigent, remarquablement présenté par lui-même, en quatrième de couverture.
Résumant son agencement des séquences narratives, il n'avertit cependant pas le lecteur du travail effectué sur la phrase et le phrasé qui la déborde (comme on déborde un lit, comme une rivière une civière), de ce magnifique savoir du rythme, de ce décasyllabe (souvent 5/5) mètre-maître du français tel qu'une bonne part des textes du Moyen-‰ge semblent y puiser leur vigueur. Pour ceux qui ont entendu lire Prigent, c'est SON rythme, sa force, son souffle, son pas. Son outil à dégorger la langue.
Connaissant l'œuvre, on sait d'emblée que cette quête en forme d'enquête ne débouchera que sur de sombres et mélancoliques savoirs :
L'à venir de l'homme, c'est toujours l'infâme (5/5)
Ou bien :
Bêtes, merci de foutre/ en l'air Illusion/ d'habiter la terre/ poétiquement.
Enfin, dans ce superbe décamètre monosyllabique :
Si tu dis pas ruine, tu dis rien qui fut.
Constats d'autant plus pessimistes que le projet littéraire lui-même bute sur l'impossibilité de saisir les choses, les événements, le monde avant qu'ils soient croqués en figures (de choses, d'événements, de monde). Ne reste rien d'autre à faire que tourner autour de ce pot avec la conscience qu'il dupe haut l'esprit humain. Exhiber la liquidation des récits en surmultipliant les questions, en affolant généreusement les injonctions, les digressions, les inventaires (avec multiples clins d'œil au patrimoine et aux contemporains) en accumulant les énumérations, les alternatives.
Parfois, on tombe en vide dans un trou noir, suffit de relire une fois, ça repart.
Un texte d'une sauvagerie articulée, qui risque d'en estourbir plus d'un. Inattaquable dans tous les sens parce que, contrairement aux apparences, l'intimité de l'auteur y est plus montée/montrée qu'ailleurs (que dans "Le Professeur" par exemple).
Mais surtout un texte tordant et tordu, tordant les torsions, un texte d'une drôlerie très singulière, presque impossible à définir, essayons d'une étrange drôlerie étrangle. Et triangle même si d'avant l'œuf-type. Elle étrille principalement nos représentations, nos croyances, nos postures, tout ce qui tâche de nous cacher notre inhumanité ; elle raille aussi, dans la belle tradition de Rabelais et de Jarry, toutes ces vertus que notre langue sort bonnes.
Résumant son agencement des séquences narratives, il n'avertit cependant pas le lecteur du travail effectué sur la phrase et le phrasé qui la déborde (comme on déborde un lit, comme une rivière une civière), de ce magnifique savoir du rythme, de ce décasyllabe (souvent 5/5) mètre-maître du français tel qu'une bonne part des textes du Moyen-‰ge semblent y puiser leur vigueur. Pour ceux qui ont entendu lire Prigent, c'est SON rythme, sa force, son souffle, son pas. Son outil à dégorger la langue.
Connaissant l'œuvre, on sait d'emblée que cette quête en forme d'enquête ne débouchera que sur de sombres et mélancoliques savoirs :
L'à venir de l'homme, c'est toujours l'infâme (5/5)
Ou bien :
Bêtes, merci de foutre/ en l'air Illusion/ d'habiter la terre/ poétiquement.
Enfin, dans ce superbe décamètre monosyllabique :
Si tu dis pas ruine, tu dis rien qui fut.
Constats d'autant plus pessimistes que le projet littéraire lui-même bute sur l'impossibilité de saisir les choses, les événements, le monde avant qu'ils soient croqués en figures (de choses, d'événements, de monde). Ne reste rien d'autre à faire que tourner autour de ce pot avec la conscience qu'il dupe haut l'esprit humain. Exhiber la liquidation des récits en surmultipliant les questions, en affolant généreusement les injonctions, les digressions, les inventaires (avec multiples clins d'œil au patrimoine et aux contemporains) en accumulant les énumérations, les alternatives.
Parfois, on tombe en vide dans un trou noir, suffit de relire une fois, ça repart.
Un texte d'une sauvagerie articulée, qui risque d'en estourbir plus d'un. Inattaquable dans tous les sens parce que, contrairement aux apparences, l'intimité de l'auteur y est plus montée/montrée qu'ailleurs (que dans "Le Professeur" par exemple).
Mais surtout un texte tordant et tordu, tordant les torsions, un texte d'une drôlerie très singulière, presque impossible à définir, essayons d'une étrange drôlerie étrangle. Et triangle même si d'avant l'œuf-type. Elle étrille principalement nos représentations, nos croyances, nos postures, tout ce qui tâche de nous cacher notre inhumanité ; elle raille aussi, dans la belle tradition de Rabelais et de Jarry, toutes ces vertus que notre langue sort bonnes.