Jeff Hilson, In The Assarts / Dans les Essarts, onze sonnets sur soixante-neuf par Pascal Poyet

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22 janv.
2022

Jeff Hilson, In The Assarts / Dans les Essarts, onze sonnets sur soixante-neuf par Pascal Poyet

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Jeff Hilson, In The Assarts / Dans les Essarts, onze sonnets sur soixante-neuf

 

 

Bénédicte Vilgrain publie en un cahier, le septième de sa collection « Intraduction », onze sonnets de Jeff Hilson traduits de l’anglais par Carole Birkan-Berz. Onze sonnets déboisés, défrichés de l’anglais. Quelque chose fonctionne ici parfaitement dans la publication bilingue. On lit et regarde autant l’une et l’autre langue qu’entre les deux. Les embardées, parfois, de la traduction, sa redistribution du texte sur les vers, ce que la traductrice appelle « trouvailles » dans sa préface (si on peut appeler préface un texte accompagnant la lecture au pied de la page), tout cela redessine continuellement le texte qu’original et traduction forment ensemble. Je me souviens du reproche qu’Emmanuel Hocquard adressait aux publications bilingues de poésie américaine : l’océan Atlantique contenu dans le pli entre deux pages, disait-il, non sans humour. Ni l’Atlantique ni la Manche, pourtant bien plus courte (quoique cette Manche-ci ait des origines dans les mers de Chine et de Java — l’auteur, anglais, étant né à Singapour), ne peuvent être contenus dans le pli entre deux pages, et c’est justement de cet état de choses quasi burlesque (comme souvent les états de choses) que tient ce livre. Des mots anglais apparaissent d’ailleurs côté français, non qu’ils aient franchi le pli, ce sont les mots anglais de la traduction : de « miss » à « Docteur Who », de ce « bye bye » traduisant « so long » à ce « yes » prolongeant « délicatesse ». Le sonnet 25, où se trouvent ces derniers mots, se termine par ce que j’appelle une — belle — embardée de la traduction, le français, redoublant presque tous les mots du dernier vers original, traduisant « je vous aime putain sonnet je t’aime vous », le « I / fucking love you sonnets » d’en face. La traduction, on l’entend, est « registrée » : « countryside » se traduit « cambrousse » ; « man/woman », « mec » et « Dame » ; « My sonnet is », « Mon sonnet, c’est » ; « steal », « faucher ». Ces choix de registre, souvent dans le texte sautes de registres (« Hé, Truc-muche ! Là, si, ça suffit Messire »), en même temps qu’ils font dissoner les sonnets (et jamais sonner faux, comme dit côté français le sonnet 7), retrouvent eux aussi, presque à la façon d’une « imitation », quelque chose de la prestesse de la (cette) langue anglaise que donnait déjà à entendre les hauts et les bas du sonnet d’Edwin Denby dont le cahier qui inaugura la collection proposait la multitraduction. Je ne m’étonne pas alors d’être moins touché lorsque j’entends, en haut du sonnet 50a, s’imposer fort dans le français la voix bien française — quoiqu’avec un joli accent — d’Anna Karina. Mais ces vers ne disent-ils pas, en moins de mots que moi et en quelques prépositions, la place renvendiquée de l’intraduction ? « Hé, on est toujours Dans les Essarts, là ! / pas “aux Essarts”, pas “des Essarts” / pas à côté pas n’importe où, / Dans les essarts exactement. »

 

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