19 avril
2004
L'Entraînement de Joseph Mouton. par Josette KÈchnie
On connaissait un Joseph Mouton théoricien ou du moins essayiste ; on découvre un Joseph Mouton poète ou du moins praticien de la langue avec ce livre à la fois bariolé et assourdi, plus dangereusement proche des écueils que du receuil. L'auteur considère son Entraînement comme une série d'études, au sens musical, pictural ou même échiquéen du terme ; il parle aussi d'exercices ; et de fait, à une première lecture, on est frappé (Pierre Le Pillouër ajouterait ì désagréablement ") par la virtuosité un peu sèche qui va d'ordinaire avec l'étude d'échecs ou l'exercice de style et par le désespoir d'auteur qui y projette partout son ombre. Un des amis de l'auteur a lui-même prononcé le verdict de ì florilège " non sans quelque indulgence amusée. Pourtant, je voudrais dire au lecteur potentiel que cet Entraînement vaut mieux que les premières lectures qui l'accueillent ici ; notamment parce que l'exercice ne s'y fait pas de rien, mais précisément de la phrase : comme, profonde, elle prédétermine ses enchaînements de surface ; comme, en surface, il s'en refait avec toutes sortes de chutes, de rebuts ou de membres disjects ; et surtout comme la langue s'y exerce de la profondeur vers la surface et de la surface vers la profondeur, variablement sans cesse. Or de cet exercice suit selon moi le motif secret du livre, qui est l'expulsion du locuteur/auteur hors de la langue (= hors du monde), soit sous la forme d'un suicide logique (avec son lyrisme d'adieu), soit sous la forme d'un reste (exquisitum cadaver) de langage sans sujet, qui peut aller jusqu'au ready-made le plus désertique (avec sa mélancolie d'objet). Ne nous y trompons pas : dans les replis nombreux et feutrés de sa politesse, L'Entraînement abrite l'unité d'une traj'aidit.