14 oct.
2001
Le Petit col des loups (Desbiolles)
(éd. Seuil- Collection « Fiction et Cie »)
128p. 75F.
Ce livre , dont on ne tardera pas à s'apercevoir qu'il a relevé le défi de toute la brutale poésie de l'homme au masculin depuis Rimbaud en lui opposant doucement son je fais un autre, s'ouvre avec un trait et se referme sur un mot d'amour qu'aucun point ne vient limiter.Comme on l'indique sur la couverture, c'est pourtant un roman assez mince dont l'argument rappelle « Les parapluies de Cherbourg », quelques images et la nostalgie de drôles d'airs ou de photos marquantes, voilà c'est dit pour ceux qui seront pressés, ils iront voir ailleurs et n'y verront rien ni feu, ni lumière, rien de ce qui couve ici sous les mots
Avec des paysages qui seraient plutôt ceux des parasols de Collioure, la mer est présente dans ce livre et la Mère de toutes les mères et l'amer de toutes les guerres
et l'âme erre, (mar ou amar ce serait quelque chose de plus que l'essence du féminin, le son de la grâce et de l'amour réunis)
elle est dans le double prénom du personnage de Marie-Marthe, trop lourd à porter parce qu'il réaliserait l'union de l'action énergique et de la contemplation, cette dernière seulement devant recueillir, aux sources de notre chrétienne tradition, la meilleure part mais ce corps d' « hommasse » vient d'ailleurs et d'au-delà, d'un espace où l'humour a plus de droits
dans le corps de l'héroïne innommée, non que sa sorcière de marraine eût pu lui voler son prénom au berceau mais elle apparaît au lecteur moderne encore plus immaculée de n'être pas Marie, certes naïve mais assumant « la salutaire impureté de chacun de nous », étant trivialement postière (préposée à la réception des messages), charnellement enceinte, humainement sainte
dans la folle et morbide immobilité de ceux du moulin , dans le retrait incestueux autour de la Belle au bois mourant, échos d'une guerre plus ancienne et pas moins sale, échos de ses lendemains encore plus sales où la mort est victorieuse grâce à la haine qui s'empare de la foule, à son atroce besoin de se conformer et de juger, à ses rancœurs, à ses bassesses
dans le rêve de neige qui scande le texte
dans les dialogues privés des petits traits des guillemets pour les enserrer, car c'est un chant à plusieurs voix et ces voix se touchent, elles sont faites pour se toucher autant qu'elles nous touchent
des genoux jusqu'aux paupières comme aucun texte d'aujourd'hui ne parvient plus à le faire
et chose étonnante, ces mots donnent aux deux héroïnes la réalité humaine qui les arrache à la Légende, au ciel des essences
sans pourtant basculer dans un quelconque effort mimétique, l'écriture les rapproche de nous
ainsi qu'elle rapproche les collines et les corps, la mer et la montagne, les loups et la Vierge, le désert et le savoir, le sacré et le cru, la guerre et l'amour, le conte et la prière
Finies la revendication et la révolte féministes, bien loin et oubliés ces souvenirs de l'ancestrale oppression, voici venue avec ce livre l'ère de celles qui déjà nous supplantent : comme Vincent, le fiancé absent, nous autres hommes sommes à jamais les vaincus d'une bataille que nous n'avons même pas livrée, enlisés et doublement, de ne plus savoir écrire et de l'apprendre dans une aussi douce et bouleversante annonciation. Comme nous les avons peintes et chantées pendant tant de siècles,
ce sont peut-être elles qui, dans le sillage de Maryline Desbiolles, désormais vont nous dire...
128p. 75F.
Ce livre , dont on ne tardera pas à s'apercevoir qu'il a relevé le défi de toute la brutale poésie de l'homme au masculin depuis Rimbaud en lui opposant doucement son je fais un autre, s'ouvre avec un trait et se referme sur un mot d'amour qu'aucun point ne vient limiter.Comme on l'indique sur la couverture, c'est pourtant un roman assez mince dont l'argument rappelle « Les parapluies de Cherbourg », quelques images et la nostalgie de drôles d'airs ou de photos marquantes, voilà c'est dit pour ceux qui seront pressés, ils iront voir ailleurs et n'y verront rien ni feu, ni lumière, rien de ce qui couve ici sous les mots
Avec des paysages qui seraient plutôt ceux des parasols de Collioure, la mer est présente dans ce livre et la Mère de toutes les mères et l'amer de toutes les guerres
et l'âme erre, (mar ou amar ce serait quelque chose de plus que l'essence du féminin, le son de la grâce et de l'amour réunis)
elle est dans le double prénom du personnage de Marie-Marthe, trop lourd à porter parce qu'il réaliserait l'union de l'action énergique et de la contemplation, cette dernière seulement devant recueillir, aux sources de notre chrétienne tradition, la meilleure part mais ce corps d' « hommasse » vient d'ailleurs et d'au-delà, d'un espace où l'humour a plus de droits
dans le corps de l'héroïne innommée, non que sa sorcière de marraine eût pu lui voler son prénom au berceau mais elle apparaît au lecteur moderne encore plus immaculée de n'être pas Marie, certes naïve mais assumant « la salutaire impureté de chacun de nous », étant trivialement postière (préposée à la réception des messages), charnellement enceinte, humainement sainte
dans la folle et morbide immobilité de ceux du moulin , dans le retrait incestueux autour de la Belle au bois mourant, échos d'une guerre plus ancienne et pas moins sale, échos de ses lendemains encore plus sales où la mort est victorieuse grâce à la haine qui s'empare de la foule, à son atroce besoin de se conformer et de juger, à ses rancœurs, à ses bassesses
dans le rêve de neige qui scande le texte
dans les dialogues privés des petits traits des guillemets pour les enserrer, car c'est un chant à plusieurs voix et ces voix se touchent, elles sont faites pour se toucher autant qu'elles nous touchent
des genoux jusqu'aux paupières comme aucun texte d'aujourd'hui ne parvient plus à le faire
et chose étonnante, ces mots donnent aux deux héroïnes la réalité humaine qui les arrache à la Légende, au ciel des essences
sans pourtant basculer dans un quelconque effort mimétique, l'écriture les rapproche de nous
ainsi qu'elle rapproche les collines et les corps, la mer et la montagne, les loups et la Vierge, le désert et le savoir, le sacré et le cru, la guerre et l'amour, le conte et la prière
Finies la revendication et la révolte féministes, bien loin et oubliés ces souvenirs de l'ancestrale oppression, voici venue avec ce livre l'ère de celles qui déjà nous supplantent : comme Vincent, le fiancé absent, nous autres hommes sommes à jamais les vaincus d'une bataille que nous n'avons même pas livrée, enlisés et doublement, de ne plus savoir écrire et de l'apprendre dans une aussi douce et bouleversante annonciation. Comme nous les avons peintes et chantées pendant tant de siècles,
ce sont peut-être elles qui, dans le sillage de Maryline Desbiolles, désormais vont nous dire...