Les hérons de Patrick Beurard-Valdoye.

Les Parutions

20 sept.
2003

Les hérons de Patrick Beurard-Valdoye.

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Il est rare qu'un poème paraisse aussi facile à lire et donne en même temps le sentiment au lecteur de n'en rien pouvoir dire, aphasie joyeuse.
Effort pour conjurer l'impuissance. Peinons, peignons.
Ici et il y a peu (cinq ans je crois) le poète marche en Allemagne, sa selva oscura est une noire forêt dans la région de Stuttgart, (en regard de chaque page figure la traduction allemande Nadine Zehnbauer à laquelle on reprochera, sans pouvoir en dire davantage faute de compétence, de ne pas avoir signalé les mots figurant en allemand dans le texte français) en dehors ou à côté des lieux communs le poète marche, il se met dans les traces des aïeux évadés comme sur les brisées d'autres illustres marcheurs à commencer par Rimbaud et Hölderlin. Et marchant, il enquête, il quête, il s'enquiert :

tu t'évades dans la langue
tu deviens évasif
c'est dire que t'entre le secret de la langue


nous laissant aussi bien lire il "t'ente" et il te "hante", il n'affirme rien, il regarde et s'interoge :Qu'est-ce qu'aller à travers le courant chevauchant la frontière? (15 syllabes)
Eh bien c'est peut-être passer, éternellement au présent de l'histoire en cours passer d'une langue à l'autre, l'autre hôte, l'allemande et à ses éblouissements : Hegel, Husserl, Heidegger, les penseurs, mais aussi les passeurs et victimes de passeurs comme Walter Benjamin.
Parfois, ça trébuche ou claudique : humour ravageur de Beurard.
Ce poème, découpé en neuf journées d'arpenteur, rayonne comme les hommes en marche qui n'ont pas les yeux sur la pointe de leurs chaussures ; il trace et signale les hérons, aux ciels bien vus, pour repenser (ou repasser?) les héros dont ils figurent peut-être l'envol sans regrets.
On le retrouvera dans "La Fugue inachevée" qui paraîtra l'année prochaine chez Al dante. Avec le souci constant qu'a l'auteur de "Mossa" de défendre et revitaliser sa représentation de son métier :

le poète : une fenêtre qui doit rester ouverte
sinon le monde moisit

Le commentaire de sitaudis.fr Der Sprachenhausierer
Le Colporteur de langues
Ithaka Verlag (Stuttgart).
84 p.
12 €
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