21 mars
2006
Mer à faire d'Emmanuel Fournier
En 96, bel éclat aux éditions de l'Eclat, le philosophe Emmanuel Fournier prétend non sans humour avoir évacué la question du sujet, de l'objet et de l'être en n'utilisant que des verbes conjugués aux modes impersonnels (Croire Devoir Penser- 1992).
Dès 1993, pendant plus de dix ans à Ouessant, pour relater son dessein de dessiner la mer, il va utiliser cette langue pour verbes et conjonctions, où le sens des choses et de nos vies est encore ouvert en même temps que le français, c'est le 1er volet de son dyptique. Le second qui sort en même temps chez le même éditeur, intitulé 36 morceaux , présente les transcriptions elles-mêmes : pour plume, pour compas et pour crayon.
C'est ni fait ni à faire , Fournier s'empare de ce faire infiniment poétique.
L'auteur est joyeusement hanté par des questions et allégrement tendu, anxieusement soulevé par un projet, une affaire :
La mer est un bon motif pour qui veut dessiner quelque chose et se demander pourquoi. Non pas le paysage alentour ni les vagues qui déferlent sur le rivage... la mer seule, sans ciel et sans terre, sans épaisseur et sans profondeur. Celle qui trace des lignes à sa propre surface, quelque chose plutôt que rien.
La mer écrit et le monde aussi, Fournier tâche de se faire prendre dans le mouvement joueur et destructeur du monde comme il vague.
Chaque jour amène un texte depuis le Mercredi 30 juin jusqu'au Vendredi 23 juillet soit 2 X 12 textes.
En regard, sur les pages de droite, la langue dite infinitive voudrait s'embarquer dans le même resssac mais le système, c'est-à-dire le recours exclusif au mode donné, la fige, l'immobilise même lorsqu'il s'agit d'écho joyeux autour du verbe tempêter : le dispositif conceptuel, avec ses attendus, est sans doute plus passionnant que la réalisation, les conceptuels les plus durs l'avaient bien compris qui se satisfaisaient de l'acte d'énonciation.
Peut-être ne cherchons-nous jamais que les traits ou les mots qui nous feront enfin cesser de dessiner et de penser. écrit Fournier avec lucidité, cette vertu est le fort de l'auteur, son camp retranché, il termine son texte et son expérience par l'aveu d'un échec :
A penser, à dessiner la mer, on ne saisit rien. Ou plutôt, ce que je saisis semble ne pas me faire avancer...
Cette sincérité donne tout son prix à l'entreprise qui s'achève sur un passage en italiques : quelques unes des choses que l'artiste a perdues en privilégiant le seul regard, ce sont des sons comme le hurlement des fougères retroussées par le vent.
Cette entreprise singulière sera d'autant plus marquante qu'elle permet la révélation d'un tout jeune et remarquable éditeur, …ric Pesty .
Dès 1993, pendant plus de dix ans à Ouessant, pour relater son dessein de dessiner la mer, il va utiliser cette langue pour verbes et conjonctions, où le sens des choses et de nos vies est encore ouvert en même temps que le français, c'est le 1er volet de son dyptique. Le second qui sort en même temps chez le même éditeur, intitulé 36 morceaux , présente les transcriptions elles-mêmes : pour plume, pour compas et pour crayon.
C'est ni fait ni à faire , Fournier s'empare de ce faire infiniment poétique.
L'auteur est joyeusement hanté par des questions et allégrement tendu, anxieusement soulevé par un projet, une affaire :
La mer est un bon motif pour qui veut dessiner quelque chose et se demander pourquoi. Non pas le paysage alentour ni les vagues qui déferlent sur le rivage... la mer seule, sans ciel et sans terre, sans épaisseur et sans profondeur. Celle qui trace des lignes à sa propre surface, quelque chose plutôt que rien.
La mer écrit et le monde aussi, Fournier tâche de se faire prendre dans le mouvement joueur et destructeur du monde comme il vague.
Chaque jour amène un texte depuis le Mercredi 30 juin jusqu'au Vendredi 23 juillet soit 2 X 12 textes.
En regard, sur les pages de droite, la langue dite infinitive voudrait s'embarquer dans le même resssac mais le système, c'est-à-dire le recours exclusif au mode donné, la fige, l'immobilise même lorsqu'il s'agit d'écho joyeux autour du verbe tempêter : le dispositif conceptuel, avec ses attendus, est sans doute plus passionnant que la réalisation, les conceptuels les plus durs l'avaient bien compris qui se satisfaisaient de l'acte d'énonciation.
Peut-être ne cherchons-nous jamais que les traits ou les mots qui nous feront enfin cesser de dessiner et de penser. écrit Fournier avec lucidité, cette vertu est le fort de l'auteur, son camp retranché, il termine son texte et son expérience par l'aveu d'un échec :
A penser, à dessiner la mer, on ne saisit rien. Ou plutôt, ce que je saisis semble ne pas me faire avancer...
Cette sincérité donne tout son prix à l'entreprise qui s'achève sur un passage en italiques : quelques unes des choses que l'artiste a perdues en privilégiant le seul regard, ce sont des sons comme le hurlement des fougères retroussées par le vent.
Cette entreprise singulière sera d'autant plus marquante qu'elle permet la révélation d'un tout jeune et remarquable éditeur, …ric Pesty .