05 mai
2002
Ogr (Onuma Nemon)
253 p. 16 €
Voici un livre publié par Tristram, un petit éditeur dont le catalogue mérite tous les éloges et toutes les envies, (Arno Schmidt, Maurice Roche, Hubert Lucot, Valère Novarina).
Un livre défendu à la fois par Christian Prigent et par le réseau Sollers (de Savigneau à l'Infini), ce qui est rarissime.
Un livre qui présente ultra moderne, avec une couverture mégapolitaine vert flou fluo et des dessins assez formidables, un livre dont l'auteur se dissimule sous le nom d'Onuma Nemon (= mon nom est personne) et n'offre que très chichement l'infime partie d'une somme de 20 000 pages!Un livre divisé en chapitres dont les titres réjouissent l'esprit qu'on a et celui qu'on n'a pas (Esquisse de l'Homme Noir de Séville, Le Mari de Dieu, Social Man etc).
Un livre hanté par une méditation politico-mystique, (le CU toujours écrit sans L, sans ailes?!) dans la filiation de Bataille.
Un livre imposant.
C'est une odyssée rédigée par Polyphème et, démarquages avoués ou non, par Rimbaud (objet d'un hommage dans "Arthur" p. 145), Ducasse, Joyce, Burroughs pour les plus célèbres mais aussi bien par tous puisque les initiales de l'auteur s'affichent comme le très collectif et impersonnel O.N.
Pourtant, malgré ces atouts, ce livre m'a lassé et, en dépit d'efforts répétés, je ne suis pas parvenu à le lire au-delà de la cinquantième page (+ quelques pioches et le dernier chapitre). L'Ogr m'a d'abord sidéré, puis déconsidéré, enfin il m'a peut-être dévoré. Et il a fallu que je me remémore les ouvrages réputés difficiles ou illisibles que j'avais lus, (pour les contemporains, "Commencement" de Prigent et "Diaire" de Patrick Beurard), il a fallu que je me souvienne du mépris qu'avaient suscité en moi certains rejets, il a fallu que j'interroge mon statut de lecteur-poète-critique et mes droits et mes devoirs pour commencer à recouvrer un peu de ma propre estime.
Et je suis parvenu, sans honte ni culpabilité, à la conclusion qu'Ogr est peut-être un chef d'œuvre hors de ma portée.
Mais je puis affirmer qu'il est faux de prétendre, comme le fait l'éditeur sur la quatrième de couverture, que ces textes "ne ressemblent à rien de connu dans notre langue". Presque tous les procédés de production d'écriture répertoriés dès avant les avant-gardes sont ici mis en œuvre ou montrés. Mais tout se dissout, pour moi, dans ce que je nommerais une espèce de vulgaire présenterie : c'est-à-dire que chaque phrase exhibe l'infini des possibilités narratives avec une liberté si incommensurable qu'elle n'autorise plus que la jubilation de ON, renvoyant mon JE à son ire.
Ainsi se livre ce lire qui déplace beaucoup de lettres, sans doute en pure peste.
Un livre implosant.
Voici un livre publié par Tristram, un petit éditeur dont le catalogue mérite tous les éloges et toutes les envies, (Arno Schmidt, Maurice Roche, Hubert Lucot, Valère Novarina).
Un livre défendu à la fois par Christian Prigent et par le réseau Sollers (de Savigneau à l'Infini), ce qui est rarissime.
Un livre qui présente ultra moderne, avec une couverture mégapolitaine vert flou fluo et des dessins assez formidables, un livre dont l'auteur se dissimule sous le nom d'Onuma Nemon (= mon nom est personne) et n'offre que très chichement l'infime partie d'une somme de 20 000 pages!Un livre divisé en chapitres dont les titres réjouissent l'esprit qu'on a et celui qu'on n'a pas (Esquisse de l'Homme Noir de Séville, Le Mari de Dieu, Social Man etc).
Un livre hanté par une méditation politico-mystique, (le CU toujours écrit sans L, sans ailes?!) dans la filiation de Bataille.
Un livre imposant.
C'est une odyssée rédigée par Polyphème et, démarquages avoués ou non, par Rimbaud (objet d'un hommage dans "Arthur" p. 145), Ducasse, Joyce, Burroughs pour les plus célèbres mais aussi bien par tous puisque les initiales de l'auteur s'affichent comme le très collectif et impersonnel O.N.
Pourtant, malgré ces atouts, ce livre m'a lassé et, en dépit d'efforts répétés, je ne suis pas parvenu à le lire au-delà de la cinquantième page (+ quelques pioches et le dernier chapitre). L'Ogr m'a d'abord sidéré, puis déconsidéré, enfin il m'a peut-être dévoré. Et il a fallu que je me remémore les ouvrages réputés difficiles ou illisibles que j'avais lus, (pour les contemporains, "Commencement" de Prigent et "Diaire" de Patrick Beurard), il a fallu que je me souvienne du mépris qu'avaient suscité en moi certains rejets, il a fallu que j'interroge mon statut de lecteur-poète-critique et mes droits et mes devoirs pour commencer à recouvrer un peu de ma propre estime.
Et je suis parvenu, sans honte ni culpabilité, à la conclusion qu'Ogr est peut-être un chef d'œuvre hors de ma portée.
Mais je puis affirmer qu'il est faux de prétendre, comme le fait l'éditeur sur la quatrième de couverture, que ces textes "ne ressemblent à rien de connu dans notre langue". Presque tous les procédés de production d'écriture répertoriés dès avant les avant-gardes sont ici mis en œuvre ou montrés. Mais tout se dissout, pour moi, dans ce que je nommerais une espèce de vulgaire présenterie : c'est-à-dire que chaque phrase exhibe l'infini des possibilités narratives avec une liberté si incommensurable qu'elle n'autorise plus que la jubilation de ON, renvoyant mon JE à son ire.
Ainsi se livre ce lire qui déplace beaucoup de lettres, sans doute en pure peste.
Un livre implosant.