Olivier Vossot, Personne ne s'éloigne par Stéphane Lambion
Il y a, dans le premier livre d'Olivier Vossot (paru chez L'Échappée belle en 2017), une sobriété presque désuète qui détonne dans le paysage poétique contemporain : quelques motifs – on les compterait sur les doigts d'une main – tissent une cinquantaine de textes longs de quelques mots à peine, souvent les mêmes. Quel poète disait qu'il préfère les auteurs ayant un vocable limité mais qu'ils ont fait leur, comme des outils apprivoisés à force de travail ? (Était-ce Claude Esteban, dans Janvier, février, mars ?) Ce poète-là aurait apprécié la poésie d'Olivier Vossot : tout en retenue, elle s'appuie sur bien peu de mots pour emmener son lecteur dans un endroit de profondeur.
De la lecture de Personne ne s'éloigne se dégage une forme de mélancolie automnale composée de silence et d'attente, où "Le temps est la bulle de rien, / on est entier à l'intérieur." (p.11), si bien que le temps ne s'écoule plus. Le passé disparaît et la possibilité d'un futur n'est même pas esquissée : ce qui est au cœur du recueil, c'est l'immobilité, celle des rares protagonistes aussi bien que celle du cadre dans lequel ils évoluent. "Rien ne bouge qu'à peine." (p.32), et le poète invite à "calmement sentir / comme toute chose / est dans l'attente." (p.33).
C'est l'écho de motifs à peine déclinés – tant on est parfois proche de la simple répétition – qui crée cette atmosphère d'immobilité dont le cœur est une absence ressentie dès le début du recueil et éclaircie à dix pages de la fin : "Des choses ont changé / depuis sa mort." (p.50). L'épigraphe qui dédie le livre au grand-père du poète prend alors son sens : Personne ne s'éloigne est aussi (et surtout ?) un livre de deuil qui interroge la possibilité de la mémoire de notre propre passé et du passé des êtres qui, malgré tout, se sont éloignés. Mais heureusement, "Tu n'es jamais loin." (p.59) : achevant son livre sur ce vers, le poète place l'ensemble de son texte sous une mélancolie tranquille, dépourvue des traces de la perte.
Ce qui reste de la lecture de ce premier recueil d'Olivier Vossot, c'est quelque chose de la douceur fragile de certains poèmes de La Fable du monde : "Lumière de ce jour, / Je viens du fond des temps, / Respecte avec douceur / Mes minutes obscures" écrit Supervielle. "Lumière qui glisse des yeux, / regarde ailleurs." (p.34), lui répond Olivier Vossot.
À Personne ne s'éloigne (récompensé par le prix du premier recueil de poésie 2018 de la Fondation Labbé) fait suite L'Écart qui existe, paru en 2020 aux Carnets du Dessert de Lune avec une préface d'Albane Gellé : le poète s'y adresse à nouveau à son grand-père et poursuit d'une certaine manière le travail commencé dans son premier recueil, construisant pas à pas, dans le silence et l'attente, une œuvre de poésie.