14 nov.
2003
Poésie action directe de Christophe Hanna.
On croyait depuis quelques années déjà, plus de deux décennies sans doute, en avoir fini avec les illusions de la génération de 68, (la nôtre !), sur une poésie « cherchant l'impact politique » et produisant des œuvres « qui affichent une intention d'agir voire programmment un processus d'action » : c'est pourtant l'utopie romantique, lyrique et touchante, proclamée par le jeune universitaire Christophe Hanna dès la quatrième de couverture.
Appelons x le livre tel qu'il est sorti de l'imprimerie dans la collection « & » dirigée par Laure Limongi, x' celui que l'auteur a rêvé de faire et x" l'écart entre les deux. Nommons R le procédé rhétorique utilisé dans la phrase précédente (recherche d'un effet de rationalité et d'intimidation professorale par formalisation minimale et rapide). x est un livre édifiant à plus d'un titre et qu'il faut recommander du fait de x' et x". x ressemble à un manuel de préparation d'un examen, (résumés à mémoriser encadrés en gras etc) tandis que x' serait un manuel de combat pour quartier latin relouqué mais l'auteur, qui a beaucoup travaillé le concept de dispositifs, trouve ceux-ci assez mal disposés à l'égard de son projet.
Sur la couverture, au fond noir de l'anarchie (?!) avec un fragment d'image bien à l'image du scientisme de l'auteur, les mots "action directe" nettement regroupés et détachés de "Poésie" permettent de se demander quelle est la part de la provoc et celle de l'hommage aux terroristes français incarcérés en QHS (?!) ; en tout cas, la bannière choisie semble bien celle des combattants sur sentiers allumés.
Et le livre souffre de certains autres défauts qui semblent caractéristiques des pratiques du Réseau Gleize (appelons le RG). RG tente d'importer dans le champ de la poésie contemporaine française certains us et coutumes efficaces dans le champ des arts plastiques : ce pourrait être du « détournement » (à propos de ce concept, notons que pas une fois à son propos, l'auteur n'évoque les situationnistes) et de la « recontextualisation ». Sont importées simultanément certaines tares de ce milieu :
- le fait de ne pas avoir de référence antérieure au XIXème siècle (sauf une fois : Diderot) et de toujours ressasser les mêmes propos sur les mêmes icônes (= visions simplificatrices de Ducasse et parfois Rimbaud/Ponge/Roche ; dans les Arts Plastiques, c'est Cézanne, parfois Manet/ Duchamp). Plus spécifique à la seule littérature française, le fait de ne s'attaquer qu'aux romantiques du Lagarde et Michard dans une grande ignorance des romantiques allemands et de ne connaître que les écrivains contemporains français de France.
- le fait de traiter par le silence tout ce qui pourrait gêner le réseau, écrire l'histoire récente avec le crayon effaceur bien connu des staliniens.
- le soutien sans faille aux seuls membres du réseau.
Mais laissons de côté contextes et dispositifs, le livre proprement dit x est très court, intitulé « Contre une poétique du bibelot » (I), de la taille d'un gros article d'Art Press en somme, car pour le reste, il s'agit plutôt de cours ou conférences qu'on a l'impression de déjà connaître (II Roche-III Ponge-IV Ducasse). x I est le théâtre d'une gigantomachie impressionnante, Hanna/vs/Jakobson, il y a aussi des passages hilarants (les protestations encadrées des opposantes et celui où l'on peut comprendre/croire que Christophe Fiat a lu Thomas Khun et Feyerabend) mais x mérite d'être salué comme l'un des rarissimes ouvrages théoriques produits par la génération née après 1968 et sans une faute de grammaire. Toujours positivement, après avoir taxé l'auteur de scientiste, on peut aussi reconnaître un indéniable caractère scientifique à son ouvrage dans la mesure où il construit des outils et un langage adéquats à ses objets pré-découpés, c'est-à-dire certains produits audio-vidéo-webo-poétiques contemporains à visée d'actions qu'il permet de mieux situer; on frissonne déjà à l'idée des terribles ravages que vont provoquer pour l'ordre et ses instruments médiatiques, nos jeunes experts en "spin".
De plus, il anticipe avec intelligence sur la détérioration des compétences lectorales car « le niveau de compétences réclamé au lecteur pour qu'un dispositif agisse sur lui est situé en-deça du seuil à partir duquel la compréhension discursive est censée se diviser ».
Bref, nos « réflexes de décodage » sont mis à rude épreuve par ce petit livre et le Pouvoir va trembler sur ses bases, les interventions de Manuel Joseph et les lectures-siestes de Daniel Foucard seront peut-être bientôt sinon interdites du moins sévèrement stigmatisées : c'est donc un livre tout à fait recommandable.
Appelons x le livre tel qu'il est sorti de l'imprimerie dans la collection « & » dirigée par Laure Limongi, x' celui que l'auteur a rêvé de faire et x" l'écart entre les deux. Nommons R le procédé rhétorique utilisé dans la phrase précédente (recherche d'un effet de rationalité et d'intimidation professorale par formalisation minimale et rapide). x est un livre édifiant à plus d'un titre et qu'il faut recommander du fait de x' et x". x ressemble à un manuel de préparation d'un examen, (résumés à mémoriser encadrés en gras etc) tandis que x' serait un manuel de combat pour quartier latin relouqué mais l'auteur, qui a beaucoup travaillé le concept de dispositifs, trouve ceux-ci assez mal disposés à l'égard de son projet.
Sur la couverture, au fond noir de l'anarchie (?!) avec un fragment d'image bien à l'image du scientisme de l'auteur, les mots "action directe" nettement regroupés et détachés de "Poésie" permettent de se demander quelle est la part de la provoc et celle de l'hommage aux terroristes français incarcérés en QHS (?!) ; en tout cas, la bannière choisie semble bien celle des combattants sur sentiers allumés.
Et le livre souffre de certains autres défauts qui semblent caractéristiques des pratiques du Réseau Gleize (appelons le RG). RG tente d'importer dans le champ de la poésie contemporaine française certains us et coutumes efficaces dans le champ des arts plastiques : ce pourrait être du « détournement » (à propos de ce concept, notons que pas une fois à son propos, l'auteur n'évoque les situationnistes) et de la « recontextualisation ». Sont importées simultanément certaines tares de ce milieu :
- le fait de ne pas avoir de référence antérieure au XIXème siècle (sauf une fois : Diderot) et de toujours ressasser les mêmes propos sur les mêmes icônes (= visions simplificatrices de Ducasse et parfois Rimbaud/Ponge/Roche ; dans les Arts Plastiques, c'est Cézanne, parfois Manet/ Duchamp). Plus spécifique à la seule littérature française, le fait de ne s'attaquer qu'aux romantiques du Lagarde et Michard dans une grande ignorance des romantiques allemands et de ne connaître que les écrivains contemporains français de France.
- le fait de traiter par le silence tout ce qui pourrait gêner le réseau, écrire l'histoire récente avec le crayon effaceur bien connu des staliniens.
- le soutien sans faille aux seuls membres du réseau.
Mais laissons de côté contextes et dispositifs, le livre proprement dit x est très court, intitulé « Contre une poétique du bibelot » (I), de la taille d'un gros article d'Art Press en somme, car pour le reste, il s'agit plutôt de cours ou conférences qu'on a l'impression de déjà connaître (II Roche-III Ponge-IV Ducasse). x I est le théâtre d'une gigantomachie impressionnante, Hanna/vs/Jakobson, il y a aussi des passages hilarants (les protestations encadrées des opposantes et celui où l'on peut comprendre/croire que Christophe Fiat a lu Thomas Khun et Feyerabend) mais x mérite d'être salué comme l'un des rarissimes ouvrages théoriques produits par la génération née après 1968 et sans une faute de grammaire. Toujours positivement, après avoir taxé l'auteur de scientiste, on peut aussi reconnaître un indéniable caractère scientifique à son ouvrage dans la mesure où il construit des outils et un langage adéquats à ses objets pré-découpés, c'est-à-dire certains produits audio-vidéo-webo-poétiques contemporains à visée d'actions qu'il permet de mieux situer; on frissonne déjà à l'idée des terribles ravages que vont provoquer pour l'ordre et ses instruments médiatiques, nos jeunes experts en "spin".
De plus, il anticipe avec intelligence sur la détérioration des compétences lectorales car « le niveau de compétences réclamé au lecteur pour qu'un dispositif agisse sur lui est situé en-deça du seuil à partir duquel la compréhension discursive est censée se diviser ».
Bref, nos « réflexes de décodage » sont mis à rude épreuve par ce petit livre et le Pouvoir va trembler sur ses bases, les interventions de Manuel Joseph et les lectures-siestes de Daniel Foucard seront peut-être bientôt sinon interdites du moins sévèrement stigmatisées : c'est donc un livre tout à fait recommandable.