24 juin
2007
Politique de Jacques Henric par Sylvain Roullier
En 300 pages, Jacques Henric raconte ce qu'il retient de sa vie - ou peut-être plutôt ce qu'il aimerait que nous en retenions, littérature et politique indissolublement mêlées. Comme la plupart des autobiographies de personnalités (ou, comme ici, d'une personne ayant fréquenté des personnalités de son époque), et à condition toutefois que la vie de ces personnalités intéresse le lecteur a priori, Politique se lit vite et bien, fourmillement d'infos, d'anecdotes croustillantes, de croustillance - sans doute est-ce l'un des buts de toute autobiographie de ce type, de toute autobiographie : atteindre la croustillance même, laisser le lecteur sur le flanc, comme sidéré de ce qu'il vient d'apprendre/lire, le relisant en se frottant les yeux pour ne plus voir et voir mieux et voir encore (encore !), capter le lecteur de manière à faire de la lecture un pur assujettissement. Que retient-on, somme toute, du "contenu" des Confessions ? la scène de la fessée et le récit pathétique des persécutions du pauvre Jean-Jacques.
En ce sens, Politique offre mille petites fessées et dix mille menues persécutions, toutes authentiquement vécues (contrairement à Lévi-Strauss, Jacques Henric pense que le sens vécu est toujours le bon). "L'histoire concrète des hommes, elle seule compte, pas les savantes considérations doctrinales, les théories abstraites, les systèmes idéologiques et philosophiques." écrit, page 43, cet ancien membre du Parti Communiste et de Tel Quel, car Henric se veut un homme de terrain, ni de droite ni de gauche (page 32), il publie en mai 2007 un livre de mai 2007 : " Les écrivains à expérience insuffisante ou excédant leurs compétences de vie (c'est moi qui souligne) commettent des langages de médiocre portée.", écrit-il, page 280, dans un sabir libéral (libéral-libertaire, rectifierait-il) qu'il appuie d'une citation un peu stupide (ou plutôt maligne) d'une de ses personnalités favorites, Bataille (" Au lycée, quand j'étais jeune, on m'appelait "la brute" ", aurait-il dit devant un bureau tel quelien rétrospectivement tout frissonnant - Oh oui, Georges, encore !). Mais que celui, ou celle, qui ne fut jamais un brin midinette face à ses héros de jeunesse lui jette la première pierre.
Politique est truffé de ces petites naïvetés que nous commettrions tous, si nous avions à rédiger le récit de nos folles années. Une bonne partie de la vie d'Henric se noue à l'admiration sans fard qu'il voue à Sollers - assimilant un trait de classe à une idiosycrasie, par exemple (Sollers vouvoie même ses vieux amis - pour les lecteurs de sitaudis issus des classes populaires ou moyennes, je tiens à préciser que les bourgeois se vouvoient entre eux, c'est aussi à ça qu'on les reconnaît; retenez le, ça pourra toujours servir).
L'autoportrait qu'Henric trace à coups de faucille dans ce livre n'est pas seulement le sien, c'est aussi celui de tous ceux qui furent, d'une manière ou d'une autre, toujours du bon côté du manche : communistes mais pas staliniens, théoriciens mais pas puritains (Henric aime le sexe), cultivés mais pas pédants (il utilise des expressions comme avoir les boules), ayant pleinement transformé l'essai de leur engagement politique et littéraire en de vrais postes de pouvoir. Bien sûr, il y eut quelques sacrifiés (l'auteur rappelle avec tendresse la figure de Pierre Rottenberg); mais quoi ? c'était de leur faute, après tout.
La quatrième de couverture rappelle que ce livre est "l'expression d'une révolte face aux falsifications de la mémoire" (d'où les paquets de perles croustillantes); on le comprend : toute autobiographie, celle là comme les autres, est le fruit d'une manipulation de la mémoire. Mais Henric n'est jamais indigné par lui-même, jamais honteux, rarement gêné. Dommage : une autobiographie devrait toujours commencer par là. Rousseau l'avait compris.
En ce sens, Politique offre mille petites fessées et dix mille menues persécutions, toutes authentiquement vécues (contrairement à Lévi-Strauss, Jacques Henric pense que le sens vécu est toujours le bon). "L'histoire concrète des hommes, elle seule compte, pas les savantes considérations doctrinales, les théories abstraites, les systèmes idéologiques et philosophiques." écrit, page 43, cet ancien membre du Parti Communiste et de Tel Quel, car Henric se veut un homme de terrain, ni de droite ni de gauche (page 32), il publie en mai 2007 un livre de mai 2007 : " Les écrivains à expérience insuffisante ou excédant leurs compétences de vie (c'est moi qui souligne) commettent des langages de médiocre portée.", écrit-il, page 280, dans un sabir libéral (libéral-libertaire, rectifierait-il) qu'il appuie d'une citation un peu stupide (ou plutôt maligne) d'une de ses personnalités favorites, Bataille (" Au lycée, quand j'étais jeune, on m'appelait "la brute" ", aurait-il dit devant un bureau tel quelien rétrospectivement tout frissonnant - Oh oui, Georges, encore !). Mais que celui, ou celle, qui ne fut jamais un brin midinette face à ses héros de jeunesse lui jette la première pierre.
Politique est truffé de ces petites naïvetés que nous commettrions tous, si nous avions à rédiger le récit de nos folles années. Une bonne partie de la vie d'Henric se noue à l'admiration sans fard qu'il voue à Sollers - assimilant un trait de classe à une idiosycrasie, par exemple (Sollers vouvoie même ses vieux amis - pour les lecteurs de sitaudis issus des classes populaires ou moyennes, je tiens à préciser que les bourgeois se vouvoient entre eux, c'est aussi à ça qu'on les reconnaît; retenez le, ça pourra toujours servir).
L'autoportrait qu'Henric trace à coups de faucille dans ce livre n'est pas seulement le sien, c'est aussi celui de tous ceux qui furent, d'une manière ou d'une autre, toujours du bon côté du manche : communistes mais pas staliniens, théoriciens mais pas puritains (Henric aime le sexe), cultivés mais pas pédants (il utilise des expressions comme avoir les boules), ayant pleinement transformé l'essai de leur engagement politique et littéraire en de vrais postes de pouvoir. Bien sûr, il y eut quelques sacrifiés (l'auteur rappelle avec tendresse la figure de Pierre Rottenberg); mais quoi ? c'était de leur faute, après tout.
La quatrième de couverture rappelle que ce livre est "l'expression d'une révolte face aux falsifications de la mémoire" (d'où les paquets de perles croustillantes); on le comprend : toute autobiographie, celle là comme les autres, est le fruit d'une manipulation de la mémoire. Mais Henric n'est jamais indigné par lui-même, jamais honteux, rarement gêné. Dommage : une autobiographie devrait toujours commencer par là. Rousseau l'avait compris.