18 juin
2009
Portrait du père en travers du temps de James Sacré par Augustin Diaz
UN CAILLOU DANS LA LECTURE
Chaque livre de James Sacré nous donne des nouvelles du temps : une carte postale légère et envoyée, des nouvelles du temps qui ne passe pas comme une lettre à la poste.
Les poèmes de ce Portrait du père en travers du temps ont été écrits de 2001 à 2008, comme le père est mort ou plutôt « parti » qui n'est pas ici employé par euphémisme, mais parce que le père n'est pas établi dans la mort ni dans la mémoire, le père n'est pas établi. Et peut-être, dans ce déplacement, le poème donne-t-il au père en allé une chance d'apparaître encore. Déplacement de la langue : le patois du père (Deux grosses groules comme daux faisans)qui fait écho au « raven » qui vient crier « nevermore du poème de Poe, déplacement du paysage, la campagne de l'enfance, de Cougou en Vendée, dispersée quelque part dans l'Arizona ou près des cascades d'Ouzoud au Maroc. Déplacements, dispersions ou encore diffractions, celles du mort en d'autres morts, la tante Madeleine, la tante Denise, prénom qui appelle le mot cerise, ou « quelqu'un » qui a eu un accident de camion et dont on savait juste l'importance pour lui des affaires de cul, incongruité qui met soudain un caillou dans la lecture et la fait heureusement boiter.
Ce que nous dit chacune des cartes postales, modeste et nécessaire, inattendue toujours, comme elle vient de loin et, à la fois, de derrière la maison, un écart derrière la maison, c'est combien James Sacré a inventé une grammaire, Des pronoms mal transparents*une manière d'écrire à tâtons, en nommant plutôt ce qui n'est pas, manière d'agacer le manque, de le frotter et de le faire brûler. Et lorsqu'il écrit : Je ne dis rien, il touche à notre langue perdue, il touche à la langue dont la perte est notre intimité.
Les poèmes de ce Portrait du père en travers du temps ont été écrits de 2001 à 2008, comme le père est mort ou plutôt « parti » qui n'est pas ici employé par euphémisme, mais parce que le père n'est pas établi dans la mort ni dans la mémoire, le père n'est pas établi. Et peut-être, dans ce déplacement, le poème donne-t-il au père en allé une chance d'apparaître encore. Déplacement de la langue : le patois du père (Deux grosses groules comme daux faisans)qui fait écho au « raven » qui vient crier « nevermore du poème de Poe, déplacement du paysage, la campagne de l'enfance, de Cougou en Vendée, dispersée quelque part dans l'Arizona ou près des cascades d'Ouzoud au Maroc. Déplacements, dispersions ou encore diffractions, celles du mort en d'autres morts, la tante Madeleine, la tante Denise, prénom qui appelle le mot cerise, ou « quelqu'un » qui a eu un accident de camion et dont on savait juste l'importance pour lui des affaires de cul, incongruité qui met soudain un caillou dans la lecture et la fait heureusement boiter.
Ce que nous dit chacune des cartes postales, modeste et nécessaire, inattendue toujours, comme elle vient de loin et, à la fois, de derrière la maison, un écart derrière la maison, c'est combien James Sacré a inventé une grammaire, Des pronoms mal transparents*une manière d'écrire à tâtons, en nommant plutôt ce qui n'est pas, manière d'agacer le manque, de le frotter et de le faire brûler. Et lorsqu'il écrit : Je ne dis rien, il touche à notre langue perdue, il touche à la langue dont la perte est notre intimité.
*Des pronoms mal transparents, Editions le Dé bleu, (1982)