07 juil.
2009
Le Journal d'Hélène Berr par Augustin Diaz
De petits penseurs, à grands cris, ne cessent de nous prédire la fin du monde comme si elle n'avait pas déjà eu lieu.
Le Journal d'Hélène Berr, morte en avril 45, à l'âge de 24 ans, dans le camp de Bergen-Belsen, se termine par l' horreur qu'elle pressent juste avant d'être arrêtée et par les mots: ìHorror! Horror! Horror!" que cette étudiante en littérature anglaise (qui préparait l'agrégation lorsque les décrets antisémites de Vichy lui interdirent l'accès à l'université) emprunte à Macbeth et au Cœur des ténèbres de Conrad, à la littérature au cœur de sa vie mais qui se casse les dents sur ce qui ne peut être dit autrement que par tautologie, l'horreur est l'horreur, impossibilité qui, paradoxalement, est la seule à frayer avec la nuit.
Ce qui nous étreint cependant dans ce livre est la joie. L'aptitude à la joie de cette jeune fille que dessine avec intensité son Journal, et dont on tombe amoureux. ìJe suis rentrée à pied, avec un petit sentiment de triomphe à la pensée de ce que les parents diraient, et l'impression qu'au fond l'extraordinaire était le réel(c'est moi qui souligne), cette petite phrase des premières pages nous fait monter les larmes aux yeux.
La littérature ne sauve pas, mais grâce à la publication du Journal, soixante ans après sa rédaction, elle est toujours au cœur de la vie d'Hélène Berr. Le livre s'ouvre par la joie (ìla joie m'a inondée") que la jeune fille éprouve à se rendre chez la concierge de Paul Valéry pour y chercher un livre qu'elle a laissé afin que le poète le lui dédicace. Elle découvre qu'est écrit sur la page de garde: ìExemplaire de mademoiselle Hélène Berr" puis: ìAu réveil, si douce la lumière, et si beau ce bleu vivant". Que son nom soit écrit dans un livre réveille-t-il en elle le désir de ce journal, et la ferveur de la dédicace de Valéry prend-elle la main de la sienne?
ìKeats est le poète, l'écrivain, et l'être humain avec lequel je communique le plus immédiatement et le plus complètement." Voici ce qu'écrit Hélène en octobre 43. Sa vie a pourtant basculé. L'obligation de porter l'étoile jaune, son engagement auprès des enfants juifs et la pleine conscience du danger qu'elle court ce faisant, la déportation de ses amis, le départ de Jean, ìle garçon aux yeux gris" qui combattra dans les Forces françaises libres, le fiancé auquel s'adresse de plus en plus le journal. Ces deux-là auront donné chair à ìl'impression" des premières pages: l'extraordinaire est le réel.
Le Journal d'Hélène Berr est publié deux fois chez Points. Intégralement, et dans une version abrégée suivie d'un dossier pédagogique composé par Norbert Czarny. L'intelligence de ce dossier, sa finesse, font pièce à nos petits penseurs qui clament que la langue se meurt, que l'enseignement va à vau l'eau, que les ìjeunes" ne savent plus rien, éternels adages. Quelle bonne idée notamment que ces cartes du Paris d'Hélène Berr, tant il est vrai qu'avec la jeune fille nous trottons dans ces rues comme pour la première fois, dans le printemps d'une adolescence fiévreuse. Car le Journal d'Hélène Berr s'adresse à l'adolescent que nous rêvons avoir été comme à celui en lequel nous croyons toujours.
Le Journal d'Hélène Berr, morte en avril 45, à l'âge de 24 ans, dans le camp de Bergen-Belsen, se termine par l' horreur qu'elle pressent juste avant d'être arrêtée et par les mots: ìHorror! Horror! Horror!" que cette étudiante en littérature anglaise (qui préparait l'agrégation lorsque les décrets antisémites de Vichy lui interdirent l'accès à l'université) emprunte à Macbeth et au Cœur des ténèbres de Conrad, à la littérature au cœur de sa vie mais qui se casse les dents sur ce qui ne peut être dit autrement que par tautologie, l'horreur est l'horreur, impossibilité qui, paradoxalement, est la seule à frayer avec la nuit.
Ce qui nous étreint cependant dans ce livre est la joie. L'aptitude à la joie de cette jeune fille que dessine avec intensité son Journal, et dont on tombe amoureux. ìJe suis rentrée à pied, avec un petit sentiment de triomphe à la pensée de ce que les parents diraient, et l'impression qu'au fond l'extraordinaire était le réel(c'est moi qui souligne), cette petite phrase des premières pages nous fait monter les larmes aux yeux.
La littérature ne sauve pas, mais grâce à la publication du Journal, soixante ans après sa rédaction, elle est toujours au cœur de la vie d'Hélène Berr. Le livre s'ouvre par la joie (ìla joie m'a inondée") que la jeune fille éprouve à se rendre chez la concierge de Paul Valéry pour y chercher un livre qu'elle a laissé afin que le poète le lui dédicace. Elle découvre qu'est écrit sur la page de garde: ìExemplaire de mademoiselle Hélène Berr" puis: ìAu réveil, si douce la lumière, et si beau ce bleu vivant". Que son nom soit écrit dans un livre réveille-t-il en elle le désir de ce journal, et la ferveur de la dédicace de Valéry prend-elle la main de la sienne?
ìKeats est le poète, l'écrivain, et l'être humain avec lequel je communique le plus immédiatement et le plus complètement." Voici ce qu'écrit Hélène en octobre 43. Sa vie a pourtant basculé. L'obligation de porter l'étoile jaune, son engagement auprès des enfants juifs et la pleine conscience du danger qu'elle court ce faisant, la déportation de ses amis, le départ de Jean, ìle garçon aux yeux gris" qui combattra dans les Forces françaises libres, le fiancé auquel s'adresse de plus en plus le journal. Ces deux-là auront donné chair à ìl'impression" des premières pages: l'extraordinaire est le réel.
Le Journal d'Hélène Berr est publié deux fois chez Points. Intégralement, et dans une version abrégée suivie d'un dossier pédagogique composé par Norbert Czarny. L'intelligence de ce dossier, sa finesse, font pièce à nos petits penseurs qui clament que la langue se meurt, que l'enseignement va à vau l'eau, que les ìjeunes" ne savent plus rien, éternels adages. Quelle bonne idée notamment que ces cartes du Paris d'Hélène Berr, tant il est vrai qu'avec la jeune fille nous trottons dans ces rues comme pour la première fois, dans le printemps d'une adolescence fiévreuse. Car le Journal d'Hélène Berr s'adresse à l'adolescent que nous rêvons avoir été comme à celui en lequel nous croyons toujours.