Prières de. de Frédérique Guétat-Liviani
Rien à voir avec un livre de prières, Frédérique Guétat-Liviani s'en prend aux injonctions et prescriptions euphémisées
qui balisent notre environnement, à l'oppression aveuglante de l'enseigne, des files d'attente et des écrans de contrôle. Elle ne se soumet pas, ce qui ne l'empêche pas de célébrer les pauvres et les exclus, tous ceux que personne ne prie et beaucoup méprisent.
Extrait.
Prière de composer le code à l’abri des regards
Sans chéquier c’est compliqué.
Je ne peux pas signer les chèques. Je vais au distributeur.
Selon les moments le distributeur ne donne pas d’argent.
Il faut y retourner souvent jusqu’à ce que l’argent sorte de la machine.
J’y vais plusieurs fois par jour.
Je vais très vite pour taper les quatre chiffres du code.
Pour sélectionner le montant demandé.
Pour dire oui ou non quand on me propose un reçu.
Mais le compte est indisponible. La machine ne peut opérer. Elle s’en excuse.
Plusieurs jours se succèdent. Il ne sort toujours rien du distributeur.
Maintenant comment faire pour attendre encore ?
Il y a beaucoup de gens. Avant et après moi.
J’ai peur de demander publiquement l’argent qui risque de m’être refusé.
D’habitude je suis seule avec l’automate.
Aujourd’hui c’est jour de marché les témoins sont nombreux.
La place est pleine. Les distributeurs distribuent terriblement.
Mon tour vient. Je m’approche tout près pour que personne ne voit mon opération.
Avant que j’introduise ma carte trois billets sortent par la fente.
Je les prends j’en ai besoin. Mais les billets ne sont pas à moi.
Quelqu’un viendra me les réclamer.
Alors je les tiens à la main comme un bouquet.
Si je ne les cache pas c’est que je ne les ai pas volés.
Personne ne vient me les demander.
Je reste avec eux. Mes billets distribués.