19 juin
2005
Primo de Maryline Desbiolles.
Il y a une photographie de presse qu'on a beaucoup vue et revue à cause de Pascal Convert qui l'a exhaussée en œuvre d'art au début des années 90, on l'a appelée La Piéta du Kosovo : sans revenir sur toutes les critiques suscitées par ce travail, l'une d'elles mettait en cause notre ethno-centrisme et c'est précisément celle à laquelle échappe Primo qui est aussi une Piéta d'aujourd'hui mais combien plus universelle.Une Piéta non pas dressée comme un monument ni affalée dans sa douleur, une Piéta écrite dans le style alerte d'une enquête ; avec une trame presque convenue, celle de l'écrivain narrateur à la recherche d'un pan de son histoire familiale, toutefois suffisamment en amont de sa propre naissance pour ne pas déboucher sur les habituels épanchements narcissiques, suffisamment près de nous pour que cette petite histoire s'articule avec ce qui de la grande construit la nôtre chaque jour.
Et c'est l'un des mérites (immenses) de ce livre que d'ouvrir pour chaque lecteur, cette porte qui ne semblait promise, en tout cas dans le champ de l'art, qu'à ceux dont on dit qu'ils ont des racines.
Certains de mes contemporains stimulent mes aptitudes à penser ou m'intriguent, d'autres me passionnent, me divertissent, me font rire ou m'étonnent : aucun ne m'émeut, aucun ne me donne les frissons procurés par la lecture d'auteurs du passé, d'Homère à Dostoïevski ou Rimbaud. Aucun sinon Maryline Desbiolles...j'entends déjà quelques-uns (amis aussi) se gausser et prétendre que je me laisse tromper par les sentiments que fait naître en moi la personne de l'auteur, rien de déshonorant là-dedans d'ailleurs mais il faut inverser ce sens car je suis devenu ami avec Maryline à cause de ses livres, par gratitude et aussi sans doute, pour tenter d'approcher, de comprendre les contours vivants de cette énigme. En vain. Pourquoi ces livres provoquent-ils en moi de telles secousses, pourquoi ces larmes et que valent-elles?
Je pourrais évoquer son art très rimbaldien de la ritournelle, cette magie du simple retour d'une formule qui enchante ; ou bien ses subtils alliages de l'opaque, du fruste et du limpide. Sa science du ryhtme, alternance virtuose des emportements et la longue halte en image. Son audace, son goût du risque :
Ce avec quoi tu joues est plus dangereux que le feu, plus inquiétant en tout cas.
Choses que je retrouve dans chacun de ses livres mais ces éléments ne disent strictement rien de l'événement d'un corps de lecteur pris, saisi par un livre. Cette dérisoire physiologie des frissons après laquelle on court, peut-être parce qu'ils ont la puissance de ce qui ne se commande pas.
Cette œuvre va paraître à la rentrée de septembre, dans les flots du commerce déchaîné, sans doute dominé par le dernier Houellebecq et sa biographie, peu importe, elle trouvera ses lecteurs comme Maryline Desbiolles a trouvé Primo, un peu comme Rimbaud nous enjoint de trouver Hortense; et peut-être sa Piéta suscitera-t-elle, comme seules les Pieta peuvent le faire, la furie assassine mais rare des uns, la dévotion fervente des autres.
Et c'est l'un des mérites (immenses) de ce livre que d'ouvrir pour chaque lecteur, cette porte qui ne semblait promise, en tout cas dans le champ de l'art, qu'à ceux dont on dit qu'ils ont des racines.
Certains de mes contemporains stimulent mes aptitudes à penser ou m'intriguent, d'autres me passionnent, me divertissent, me font rire ou m'étonnent : aucun ne m'émeut, aucun ne me donne les frissons procurés par la lecture d'auteurs du passé, d'Homère à Dostoïevski ou Rimbaud. Aucun sinon Maryline Desbiolles...j'entends déjà quelques-uns (amis aussi) se gausser et prétendre que je me laisse tromper par les sentiments que fait naître en moi la personne de l'auteur, rien de déshonorant là-dedans d'ailleurs mais il faut inverser ce sens car je suis devenu ami avec Maryline à cause de ses livres, par gratitude et aussi sans doute, pour tenter d'approcher, de comprendre les contours vivants de cette énigme. En vain. Pourquoi ces livres provoquent-ils en moi de telles secousses, pourquoi ces larmes et que valent-elles?
Je pourrais évoquer son art très rimbaldien de la ritournelle, cette magie du simple retour d'une formule qui enchante ; ou bien ses subtils alliages de l'opaque, du fruste et du limpide. Sa science du ryhtme, alternance virtuose des emportements et la longue halte en image. Son audace, son goût du risque :
Ce avec quoi tu joues est plus dangereux que le feu, plus inquiétant en tout cas.
Choses que je retrouve dans chacun de ses livres mais ces éléments ne disent strictement rien de l'événement d'un corps de lecteur pris, saisi par un livre. Cette dérisoire physiologie des frissons après laquelle on court, peut-être parce qu'ils ont la puissance de ce qui ne se commande pas.
Cette œuvre va paraître à la rentrée de septembre, dans les flots du commerce déchaîné, sans doute dominé par le dernier Houellebecq et sa biographie, peu importe, elle trouvera ses lecteurs comme Maryline Desbiolles a trouvé Primo, un peu comme Rimbaud nous enjoint de trouver Hortense; et peut-être sa Piéta suscitera-t-elle, comme seules les Pieta peuvent le faire, la furie assassine mais rare des uns, la dévotion fervente des autres.