Qui est PAUL ? de Didier Vergnaud, dessins de Michel Herreria
A propos de ce livre si singulier et beau, Didier Vergnaud a bien voulu répondre à nos questions.
Ses réponses ont été lues et approuvées par son dessinateur Michel Herreria.
Comment avez-vous travaillé ? Qui a commencé ?
Paul est apparu pour la première fois dans des textes en prose
(" Amplificateur Bien Paul "), un peu comme un corps étranger. J'étais étonné et intrigué.
Dans ce qui m'occupe, " Bien Paul ", dont ce livre est le début, ou le marqueur, ou l’amorce, il s'agit de constituer un récit et non de le défaire, malgré le côté discontinu des textes courts, des fois juste une phrase sans verbe. Je dis ailleurs qu'il s'agit d'un faux récit, tellement plus vrai.
Au bout d'un an d'écriture, j'ai demandé à Michel Herreria, avec lequel je travaille depuis 1992 très régulièrement, de mettre en forme ce portrait de Paul dans un livre, de préférence dans un album démarqué de la BD. Je voyais formellement l'objet, grand format découpé en planches et en cases. En discutant, il a eu l'idée de proposer non pas des figures, des personnages, mais des objets, des espaces vides de toute représentation humaine. Paul pouvait les traverser ou essayer de les habiter. Il s'est saisi d'un premier découpage du texte, réalisé des planches, nous avons abouti à "Qui est Paul ?" à partir de cette matière, proposant un déroulement et des accidents.
Paul est donc un portrait mais aussi un espace verbal, en relation avec les dessins de lieux et d'objets de Michel. Ils fonctionnent comme le dispositif scénique de ce récit souterrain (du portrait en train de se faire), faisant surface de temps à autre, et que nous saisissons alors tous les deux.
Parlez-nous du très intéressant concept de poème graphique, sur le modèle du roman graphique, j'imagine. En connaissez-vous d'autres ?
J'ai regardé cette expérience du roman graphique, un peu décevante en général. Mais prise dans le cours de ma réflexion sur ce qu'est une vraie collaboration, un déploiement créatif avec un artiste comme Michel Herreria, ça ouvre à la production de choses très fines où le sens se transforme avec décision… Le retour à soi de choses imprévues, grâce aux dessins et aux choix des textes par l'artiste, permet de considérer des parties moins comprises ou appréciées, mais qui avaient du potentiel. C'est un travail très particulier que d'accepter cet échange très poussé, qui amène une autre production, différente du seul texte. Nous avons l'habitude cet exercice, ça aide.
Et non je ne connais pas d'autre "poème graphique" de ce genre.
Il semble que l'un et l'autre soyez des effaceurs, des artistes DE la gomme, d'accord ?
Vous avez d'autres traits, goûts, travers, talents communs ?
Je me suis toujours méfié des histoires, de la narration ; plus que de la méfiance, un refus. Mes poèmes sont denses, hermétiques ils s'adressent à mon désir d'abstraction.
Casser les poèmes, en gommer des parties entières, fait surgir des éléments que " Paul " transforme en constitution, en portrait de profil, en présence agissante. Ce jeu d'interruptions et de reprises n'entraîne aucun dommage pour l'histoire ainsi créée.
Les éditions Contre-pied produisent souvent des livres bien plus cheap, comment avez-vous fait pour obtenir cette qualité ?!
Simplement ils désiraient faire évoluer leur maquette, plusieurs livres en ont bénéficié en même temps.