Récits et Contes de mon jardin, de Nadine Agostini par Dorothée Volut
« C’est notre façon de regarder les choses, de les imaginer autrement, qui les rend extraordinaires.» : voilà la clé qui ouvre le livre enchanté de Nadine Agostini, dédié aux enfants que nous sommes restés.
Un jardin poétique planté de vingt histoires naturelles, écrites à hauteur d’enfants entre 7 et 12 ans, un jardin délicieusement semé de graines de fiction et de réalité, graines hybrides qui donnent lieu, l’air de rien, à des échappées belles en plein cœur de nos nuits. Histoires qu’on raconte au moment de s’endormir pour que s’épanouissent sur tous les visages aimés, un sourire en forme de lune.
Or, c’est le parfum de ce sourire que chaque page respire. Ce sourire, poussé jusqu’au rire, est même le cœur de ce projet de transmission : « Certains des récits ont été inventés dans un jardin extraordinaire, en partie par mon amoureux pour me faire rire. Nous avons vécu ensemble beaucoup de ces aventures. Je les ai écrites pour ne pas les perdre. Je suis heureuse de te les transmettre. »
Sur un ton direct, délicat et gracieux qui rappelle celui d’une Gertrude Stein s’adressant aux enfants avec le plus grand sérieux, Nadine Agostini s’adresse aux jeunes lecteurs avec une justesse d’équilibriste digne des grands ouvrages jeunesse. Ouvre grand tes oreilles, car elles peuvent beaucoup entendre, semble-t-elle chuchoter. Ici un lilliputien vernit des renoncules, là un coléoptère calcule la superficie de sa fleur, là-bas un ami se prend pour un hérisson, plus loin en creusant sous l’arbre on a même trouvé une tête de dragon...et ce rouge-gorge, là perché sur le tas de bois de prunus, écoute un peu sa chanson…Regard très légèrement décalé, humour et amour sont les ingrédients de chacune de ces embarcations légères : « On peut croire ou pas [une] histoire, selon qu’on aime croire ou pas aux choses extraordinaires . » On rêverait de tourner ces pages numériques transformées d’un coup en pages papier, en contemplant de belles images, mais en attendant qu’un éditeur jeunesse ose sortir du buisson des calibrages habituels, ne boudons pas notre plaisir et suivons la jardinière et son amoureux.
Comme dans la Tradition celtique, on croise la pensée que « toutes les histoires que tu lis ont été tracées par les cheveux »…et non tirées par les cheveux. Aussitôt de rêver à la chevelure magique de la poétesse. C’est alors qu’un autre plan se dessine, avec la même discrétion que tout le reste : en même temps que transmettre des contes et des récits, Nadine Agostini en profite aussi pour faire l’éducation poétique du jeune lecteur et de la jeune lectrice. Ainsi, par exemple, ce précieux conseil décoché au détour d’une page et propre à construire en eux le jardin de leur future liberté : « Certaines personnes racontent que les mots veulent dire absolument ce qu'ils produisent comme sons, ce qu'on entend. Ne raconte rien de tout cela autour de toi car cette manière de penser, qui peut paraître une fantaisie, n'est peut-être pas du goût de tout le monde. »
En tout cas, il est du nôtre.
Et ce petit ouvrage où se côtoient broder écrire penser aimer, est des plus nécessaires pour cultiver nos fragiles jardins.