13 mai
2008
Reconnaissances de Jean-Luc Steinmetz
Jean-Luc Steinmetz, qui a lui-même une longue pratique d'écriture et se tint en 1969 au seuil de l'aventure TXT, reste malheureusement presque toujours en-deça de ce que son érudition, son intelligence des textes et ses louables intentions devraient lui permettre de nous offrir.
Lorsque l'on a étudié de près des poèmes, on ne peut qu'être surpris par l'écart entre la mobilisation des moyens livresques de JLS et la minceur de ses interprétations, l'absence de renouvellement des perspectives.
Ainsi, examinant Fêtes de la faim dans le premier des chapitres consacrés à l'études des vers de 1872 de Rimbaud, JLS perçoit bien l'évidente homophonie "Anne", "âne" mais sans voir toute la charge sciemment refoulée de l'ANAlité, faute de relier cette homophonie à "pais" (= homophone de pet, cf. "le pré des sons" !) ; il n'ignore pourtant pas que le verbe "paître" figurait deux fois dans la 1ère version ( je pais l'air ... paissez faim , le premier verbe ayant été remplacé par mangeons dans la seconde version) et que le mot peut apparaître visuellement dans "pains", à la fin du troisième quatrain avant l'adjectif "couchés".
Une certaine pruderie universitaire semble retenir JLS : il ne peut passer sous silence la thématique homosexuelle chez Rimbaud mais il ne la voit que sous l'angle biographique de la relation avec Verlaine et tient l'auteur des Stupra de l'album zutique à distance des poèmes respectables ; or une grande attention à la question du désir et de sa translation comme de son refoulement textuel, à la dissémination savante et féconde de l'obscène, est seule à même de renouveler l'image que les avatars du romantisme et de la Beat generation nous ont léguée de Rimbaud, image qu'il eût lui-même vomie de son vivant au même titre que la dichotomie des identités explicatives du communard vs le mystique catholique. La figuration d'un individu humain aux corridors intérieurs sans fin est une fiction qui a eu ses moments fructueux mais elle n'est sans doute plus à même de se raccorder à notre actuelle expérience volontariste de sauvegarde d'un sujet humain grâce à la désubjectivation.
La généalogie littéraire de JLS, dans son rigoureux défilement chronologique et romantique, a quelque chose de désuet aujourd'hui : Nerval, Baudelaire, Ducasse, Rimbaud, Mallarmé ... sans tomber dans l'illusion d'un progrès possible de l'art et de la recherche, je trouve sa bibliothèque plutôt datée, (comparée à celle de Prigent qui a écrit aussi bien sur Jarry que sur Novarina), constituée de tombeaux bien marbrés, lions figés dans leur éternelle digestion, loin de toute ramification aux questions qui nous agitent et nous plombent ; il a lu Deleuze mais pas Gleize ni Bobillot.
Peut-être parce que la transmission d'un patrimoine implique une longue et humble patience, la puissance de travail du clerc enseignant n'est pas souvent compatible avec l'audace de l'artiste ; outre l'auteur susnommé de Ceux qui merdrent, on trouve chez les professeurs des exceptions sur les doigts d'une main : Beck, Demarcq, Frontier et Quintane, point final.
Plein de générosité, au premier sens du terme de "reconnaissance", cet imposant volume de travaux trouvera sans doute des lecteurs satisfaits de la masse d'informations synthétisées, des lecteurs reconnaissants bien que le livre soit, à mon avis, complètement dépourvu de la témérité de l'explorateur , que JLS aimerait tellement inclure dans son titre et son parcours ; ce sera pour la prochaine livraison, annoncée dans l'avant-propos ?
Lorsque l'on a étudié de près des poèmes, on ne peut qu'être surpris par l'écart entre la mobilisation des moyens livresques de JLS et la minceur de ses interprétations, l'absence de renouvellement des perspectives.
Ainsi, examinant Fêtes de la faim dans le premier des chapitres consacrés à l'études des vers de 1872 de Rimbaud, JLS perçoit bien l'évidente homophonie "Anne", "âne" mais sans voir toute la charge sciemment refoulée de l'ANAlité, faute de relier cette homophonie à "pais" (= homophone de pet, cf. "le pré des sons" !) ; il n'ignore pourtant pas que le verbe "paître" figurait deux fois dans la 1ère version ( je pais l'air ... paissez faim , le premier verbe ayant été remplacé par mangeons dans la seconde version) et que le mot peut apparaître visuellement dans "pains", à la fin du troisième quatrain avant l'adjectif "couchés".
Une certaine pruderie universitaire semble retenir JLS : il ne peut passer sous silence la thématique homosexuelle chez Rimbaud mais il ne la voit que sous l'angle biographique de la relation avec Verlaine et tient l'auteur des Stupra de l'album zutique à distance des poèmes respectables ; or une grande attention à la question du désir et de sa translation comme de son refoulement textuel, à la dissémination savante et féconde de l'obscène, est seule à même de renouveler l'image que les avatars du romantisme et de la Beat generation nous ont léguée de Rimbaud, image qu'il eût lui-même vomie de son vivant au même titre que la dichotomie des identités explicatives du communard vs le mystique catholique. La figuration d'un individu humain aux corridors intérieurs sans fin est une fiction qui a eu ses moments fructueux mais elle n'est sans doute plus à même de se raccorder à notre actuelle expérience volontariste de sauvegarde d'un sujet humain grâce à la désubjectivation.
La généalogie littéraire de JLS, dans son rigoureux défilement chronologique et romantique, a quelque chose de désuet aujourd'hui : Nerval, Baudelaire, Ducasse, Rimbaud, Mallarmé ... sans tomber dans l'illusion d'un progrès possible de l'art et de la recherche, je trouve sa bibliothèque plutôt datée, (comparée à celle de Prigent qui a écrit aussi bien sur Jarry que sur Novarina), constituée de tombeaux bien marbrés, lions figés dans leur éternelle digestion, loin de toute ramification aux questions qui nous agitent et nous plombent ; il a lu Deleuze mais pas Gleize ni Bobillot.
Peut-être parce que la transmission d'un patrimoine implique une longue et humble patience, la puissance de travail du clerc enseignant n'est pas souvent compatible avec l'audace de l'artiste ; outre l'auteur susnommé de Ceux qui merdrent, on trouve chez les professeurs des exceptions sur les doigts d'une main : Beck, Demarcq, Frontier et Quintane, point final.
Plein de générosité, au premier sens du terme de "reconnaissance", cet imposant volume de travaux trouvera sans doute des lecteurs satisfaits de la masse d'informations synthétisées, des lecteurs reconnaissants bien que le livre soit, à mon avis, complètement dépourvu de la témérité de l'explorateur , que JLS aimerait tellement inclure dans son titre et son parcours ; ce sera pour la prochaine livraison, annoncée dans l'avant-propos ?