15 oct.
2001
St Tropez (Quintane)
(éd. POL)
158p. 95FF
(Lettre à Nathalie Quintane)
Ton livre est vraiment très fort, un formidable bond formel (pas seulement, c'est aussi un formel bond formidable) par rapport aux précédents, œuvre certes légère et drôle mais qui donne autant à penser les rapports langue/pensée que... Wittgenstein par exemple. Et tu sais que je ne plaisante pas, tout travail de sape des clivages m'exalte.
...
Avec ces deux livres en un, l'inachevé-bloqué et l'embryon d'ébauche esquissé, tu nous offres une sorte de mise à nu radicale de toutes les tensions et de tous les abandons qui président à l'œuvre mais aussi, plus largement, une des plus fines représentations qui soient (inimaginable avant toi : manque de pointillés !) de notre universel théâtre mental : contours du silence, engluements, bulles d'inspiration, vésicules à logique, amont et aval du discours, prémices et fondements des croyances... ce faisant, tu te libères joyeusement de la fameuse et bien nommée "brouillasse", tu nous aides à nous en libérer.
C'est un vrai bonheur de voir ainsi un écrivain élargir sa vision, aération (le contraire exactement le contraire de ce que m'évoque Céline, impression de resserrement sur des aigreurs, étouffement d'un bavard), sans la jubilation narcissique qui fait écran chez tant d'autres.
Pour faire plus cultivé, j'ajoute que si ce livre nous touche autant, c'est sans doute à cause de notre bipartition ainsi formulée dans la DC :
partito porto il mio cerebro, lasso!,
dal suo principio ch'è in questo troncone,
( Dante Inf.XXVIII-v. 140)
Je ne sais si ça te fera plaisir (plus sans doute que les compliments qui te donnent en « pongiste »!) mais la proposition Nathalie Quintane est à Christian Prigent ce que le sous-commandant Marcos est à Guévara... me semble assez pertinente, on a changé d'époque et le guérillero-héros d'aujourd'hui est 1° une femme, 2° quelqu'un qui va s'en tirer.
Toutefois, comme pour le livre de Jean-Marc Baillieu, j'émets une réserve car, comme ce dernier, il contient un remerciement à... Jean-Michel Espitallier : ça va devenir le topos obligé du livre contemporain, le remerciement aux petits tontons du milieu ! Mais je suis sûr que tu le regrettes déjà et que dans la prochaine édition, ce-geste-plein-de-gratitude-de-la-brave-fille-que-tu-es... aura disparu !
PLP
158p. 95FF
(Lettre à Nathalie Quintane)
Ton livre est vraiment très fort, un formidable bond formel (pas seulement, c'est aussi un formel bond formidable) par rapport aux précédents, œuvre certes légère et drôle mais qui donne autant à penser les rapports langue/pensée que... Wittgenstein par exemple. Et tu sais que je ne plaisante pas, tout travail de sape des clivages m'exalte.
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Avec ces deux livres en un, l'inachevé-bloqué et l'embryon d'ébauche esquissé, tu nous offres une sorte de mise à nu radicale de toutes les tensions et de tous les abandons qui président à l'œuvre mais aussi, plus largement, une des plus fines représentations qui soient (inimaginable avant toi : manque de pointillés !) de notre universel théâtre mental : contours du silence, engluements, bulles d'inspiration, vésicules à logique, amont et aval du discours, prémices et fondements des croyances... ce faisant, tu te libères joyeusement de la fameuse et bien nommée "brouillasse", tu nous aides à nous en libérer.
C'est un vrai bonheur de voir ainsi un écrivain élargir sa vision, aération (le contraire exactement le contraire de ce que m'évoque Céline, impression de resserrement sur des aigreurs, étouffement d'un bavard), sans la jubilation narcissique qui fait écran chez tant d'autres.
Pour faire plus cultivé, j'ajoute que si ce livre nous touche autant, c'est sans doute à cause de notre bipartition ainsi formulée dans la DC :
partito porto il mio cerebro, lasso!,
dal suo principio ch'è in questo troncone,
( Dante Inf.XXVIII-v. 140)
Je ne sais si ça te fera plaisir (plus sans doute que les compliments qui te donnent en « pongiste »!) mais la proposition Nathalie Quintane est à Christian Prigent ce que le sous-commandant Marcos est à Guévara... me semble assez pertinente, on a changé d'époque et le guérillero-héros d'aujourd'hui est 1° une femme, 2° quelqu'un qui va s'en tirer.
Toutefois, comme pour le livre de Jean-Marc Baillieu, j'émets une réserve car, comme ce dernier, il contient un remerciement à... Jean-Michel Espitallier : ça va devenir le topos obligé du livre contemporain, le remerciement aux petits tontons du milieu ! Mais je suis sûr que tu le regrettes déjà et que dans la prochaine édition, ce-geste-plein-de-gratitude-de-la-brave-fille-que-tu-es... aura disparu !
PLP