25 oct.
2007
The John Cage Experiences (...) de Vincent Tholomé par Guillaume Fayard
Pendant que john cage (tout est en minuscules dans ce livre, au même niveau). Lancé dans son bolide rouge et chrome. Attend de percuter la belle conductrice (alias la future mme john cage). Dans la voiture en tôle bleue. Qui arrive au carrefour. En 1935. Puis, plus tard, une fois l'accident survenu.
Une fois le bolide rouge et chrome écrasé au grand dam de john cage. Par toutefois. Une dame. Auxquelles. Laisse entendre vincent tholomé (en minuscules), john cage. Ne sait pas coller une bonne ramonée. Ce en 1935. Bien avant de devenir celui que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de Cage. John Cage. L'accompagnant plutôt. Jusqu'à l'hôtel voisin. Où, pendant que le papier peint se déchire d'un millimètre par an et que john cage, en 1935. Eteint, on ne sait pas pourquoi la lampe de chevet du lit, en 1935. Quoiqu'avec des difficultés. Malgré la présence très sexe de la future mme john cage, au pied du lit. Mme john cage frôlant le lit, les pieds nus, en nuisette, en 1935, au pied du lit. Et finalement n'y arrive pas (la scène s'arrête en cours de route). Pendant ce temps donc, nous voici donné à lire le nouveau livre de Vincent Tholomé, au dispositif insistant d'écriture arrêtée (une écriture qui laisse exploser le potentiel poétique de ce qui se passe). Une forme réitérante qu'on a déjà pu lire notamment dans les cahiers de Benjy , il y a quelque temps, avec The Vincent Tholomé's Experiments - petite série qui annonçait donc sans qu'on le sache précisément la publication de ce livre drôle et expérimental aux éditions le clou dans le fer .
The John Cage Experiments donne à lire un certain nombre d'aventures cagiennes ou plutôt d'expériences, qu'on peut recombiner pour soi-même grâce à des consignes données à chaque partie, comme autant de propositions chorégraphiques ouvertes (mais décalées à la mesure de la connivence installable en 2007 entre Vincent Tholomé et un lecteur donné, et non en 1935, en 1950, 1965, etc.). D'emblée ce livre étonne par l'arrangement subtil et parfaitement contrôlé que met en place Tholomé entre fiction artistique, pseudo-jeu de rôles, narration et poésie. Si The John Cage Experiments nous invite à bord d'une esthétique Cagienne étendue à fiction répétitive, si l'aura de John Cage fait que son seul nom sur la page est déjà cadrage, contexte, embrayeur fictionnel et zone performative de poésie, les consignes / didascalies ouvertes au hasard que Tholomé reprend des performances de Cage, Cunningham et consorts sont tellement bien récupérées qu'elles finissent par en être Tholoméennes au dernier degré.
Il y a donc ici convocation et spirales digressives, mais pas le moins du monde fascination ou hagiographie. L'auteur se limite à (et réussit à maintenir ce cap, de ne) mettre en scène (que) quelques moments Cagiens choisis en fonction de l'infime événementialité qui les caractérise (moments faisant pourtant étapes et jalons vers la créativité ouverte, épanouie, qui fait aujourd'hui synonyme avec « johncage », alors qu'on prend ici JC à la fois en route et en latence). La langue porte à la fois l'humour horizontal et radical de ses textes précédents, mais aussi la puissance fascinante de l'univers comics, ce qui fait de John Cage un super-héros, confronté à la manifestation inquiétante puis finalement nécessaire, positive, d'un certain trou, trou dans la tête, trou dans la langue, trou dans la pensée, faisant donc de John Cage un genre de super-héros à trou noir intégré, de sorte qu'il est souvent question, comme je le disais, de ce même trou noir, trou dont il semble que tous nous ayons en écho, quelque part, dans la tête, un avatar lui-même troué. De sorte que devenant dans TJCE un des outils majeurs du leitmotiv Tholoméen (ou, dirons-nous, articulation-clou, qui appuie et enfonce ce qui vient d'être dit). Un livre qui n'a peur ni des répétitions ni des fulgurances qui forment l'essentiel d'un texte motorisé, turbo, accélérant sur place une ironie énonciative dont les digressions incessantes pour autant enchaînées apportent à la lecture une rare pulsion jouissive de musicalité, qui donne envie d'en lire des passages à voix haute dans tous les endroits les moins indiqués.
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à signaler la parution conjointe au Québec de Tout le monde est quelqu'un de Vincent Tholomé, aux éditions Rodrigol, livre où les gens rencontrés pendant une année deviennent sujets à des classifications inattendues pour finir par se livrer ou tout simplement être, pulsés, dans la parole, sous forme de monologues, dans lesquels l'auteur affirme un peu plus encore l'inscription de son travail dans une attention élargie au parlé, au politique dans la langue, au drolatique dans le quotidien, pour un travail hilarant et fertile, horizontalisé, qui se prête aussi bien (et sans complexes) à la performance qu'à la publication papier.
Une fois le bolide rouge et chrome écrasé au grand dam de john cage. Par toutefois. Une dame. Auxquelles. Laisse entendre vincent tholomé (en minuscules), john cage. Ne sait pas coller une bonne ramonée. Ce en 1935. Bien avant de devenir celui que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de Cage. John Cage. L'accompagnant plutôt. Jusqu'à l'hôtel voisin. Où, pendant que le papier peint se déchire d'un millimètre par an et que john cage, en 1935. Eteint, on ne sait pas pourquoi la lampe de chevet du lit, en 1935. Quoiqu'avec des difficultés. Malgré la présence très sexe de la future mme john cage, au pied du lit. Mme john cage frôlant le lit, les pieds nus, en nuisette, en 1935, au pied du lit. Et finalement n'y arrive pas (la scène s'arrête en cours de route). Pendant ce temps donc, nous voici donné à lire le nouveau livre de Vincent Tholomé, au dispositif insistant d'écriture arrêtée (une écriture qui laisse exploser le potentiel poétique de ce qui se passe). Une forme réitérante qu'on a déjà pu lire notamment dans les cahiers de Benjy , il y a quelque temps, avec The Vincent Tholomé's Experiments - petite série qui annonçait donc sans qu'on le sache précisément la publication de ce livre drôle et expérimental aux éditions le clou dans le fer .
The John Cage Experiments donne à lire un certain nombre d'aventures cagiennes ou plutôt d'expériences, qu'on peut recombiner pour soi-même grâce à des consignes données à chaque partie, comme autant de propositions chorégraphiques ouvertes (mais décalées à la mesure de la connivence installable en 2007 entre Vincent Tholomé et un lecteur donné, et non en 1935, en 1950, 1965, etc.). D'emblée ce livre étonne par l'arrangement subtil et parfaitement contrôlé que met en place Tholomé entre fiction artistique, pseudo-jeu de rôles, narration et poésie. Si The John Cage Experiments nous invite à bord d'une esthétique Cagienne étendue à fiction répétitive, si l'aura de John Cage fait que son seul nom sur la page est déjà cadrage, contexte, embrayeur fictionnel et zone performative de poésie, les consignes / didascalies ouvertes au hasard que Tholomé reprend des performances de Cage, Cunningham et consorts sont tellement bien récupérées qu'elles finissent par en être Tholoméennes au dernier degré.
Il y a donc ici convocation et spirales digressives, mais pas le moins du monde fascination ou hagiographie. L'auteur se limite à (et réussit à maintenir ce cap, de ne) mettre en scène (que) quelques moments Cagiens choisis en fonction de l'infime événementialité qui les caractérise (moments faisant pourtant étapes et jalons vers la créativité ouverte, épanouie, qui fait aujourd'hui synonyme avec « johncage », alors qu'on prend ici JC à la fois en route et en latence). La langue porte à la fois l'humour horizontal et radical de ses textes précédents, mais aussi la puissance fascinante de l'univers comics, ce qui fait de John Cage un super-héros, confronté à la manifestation inquiétante puis finalement nécessaire, positive, d'un certain trou, trou dans la tête, trou dans la langue, trou dans la pensée, faisant donc de John Cage un genre de super-héros à trou noir intégré, de sorte qu'il est souvent question, comme je le disais, de ce même trou noir, trou dont il semble que tous nous ayons en écho, quelque part, dans la tête, un avatar lui-même troué. De sorte que devenant dans TJCE un des outils majeurs du leitmotiv Tholoméen (ou, dirons-nous, articulation-clou, qui appuie et enfonce ce qui vient d'être dit). Un livre qui n'a peur ni des répétitions ni des fulgurances qui forment l'essentiel d'un texte motorisé, turbo, accélérant sur place une ironie énonciative dont les digressions incessantes pour autant enchaînées apportent à la lecture une rare pulsion jouissive de musicalité, qui donne envie d'en lire des passages à voix haute dans tous les endroits les moins indiqués.
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à signaler la parution conjointe au Québec de Tout le monde est quelqu'un de Vincent Tholomé, aux éditions Rodrigol, livre où les gens rencontrés pendant une année deviennent sujets à des classifications inattendues pour finir par se livrer ou tout simplement être, pulsés, dans la parole, sous forme de monologues, dans lesquels l'auteur affirme un peu plus encore l'inscription de son travail dans une attention élargie au parlé, au politique dans la langue, au drolatique dans le quotidien, pour un travail hilarant et fertile, horizontalisé, qui se prête aussi bien (et sans complexes) à la performance qu'à la publication papier.