30 oct.
2011
«Toi aussi, tu as des armes», poésie & politique (collectif)
Ce livre, où il est question de poésie, réunit des écrivains qui ont en commun de ne
pas trop aimer qu'on les traite de poètes, prévient l'éditeur dans un préambule non signé
et dont d'autres extraits figurent
sur la 4° de couverture. "Il" ajoute
Qui plus est, il sort dans une maison d'édition
qui n'a jamais publié de poésie.
Le titre, très accrocheur de révoltés, est tiré d'une phrase de Kafka sans doute trouvée et commentée par un Jacques-Henri Michot qui semble souffrir d'une léninite maligne en phase terminale.
Hasard de l'ordre alphabétique respecté, les deux plus gros tirages du sommaire, Jean-Christophe Bailly et Nathalie Quintane, ouvrent et ferment la marche..
En seconde position, Jean-Marie Gleize affirme savoir maintenant que la question révolutionnaire est désormais une question musicale. On a un peu de mal à discerner en quoi cette phrase répond à son programme, cité et recité par JH Michot : faire de chaque phrase un poste de tir. (à moins qu'il ne s'agisse de tirer au flanc ?!).
Puis Christophe Hanna montre les progrès qu'il a faits pour mettre sa prose théorique à portée des nuls.
Et se succèdent Hugues Jallon, Manuel Joseph, (ici s'inclut JHM), Yves Pagès et Véronique Pittolo.
Répété en haut de chaque page de gauche, le titre du volume fonctionne comme un slogan.
Les absents remarquables sont Bertin, Courtoux et Pennequin, en fait toute la "jeune" écurie Al dante (peut-être leur niveau scolaire a-t-il été jugé insuffisant). Plus étonnante, l'absence de Cyrille Martinez.
Tous les auteurs cités planchent donc plus ou moins poétiquement, plus ou moins politiquement, parfois poéthyliquement, parfois poélitiquement sur la question des rapports poésie & politique.
On a rarement embêté les musiciens et les peintres avec cette question, les cinéastes sont plus encore (et injustement) peinards mais on ne cesse de harceler les écrivains et les poètes, de les interpeller sur le sens et les fins de leur art, sur leur engagement ou leur trahison.
Il y a sans doute plusieurs raisons à cela, dont le fait que ceux-ci mettent des mains éthérées mais jamais innocentes dans la machinerie sons/sens, sens/sons.
Dès 1900, le poète Charles Péguy (que Michot ferait mieux de relire plutôt que de se jeter sur la lyre de Lamartine), Charles Péguy qui fut loin de camper tranquillement sur les flancs du Parnasse, Péguy très "engagé" dans tous les combats sociaux et politiques de l'époque, Péguy a tranché en faveur de la séparation art/action de façon très nette, dans des termes qui ont peu changé et risquent fort de déplaire à nos actuels snipers de la phrase, il faudrait citer toute sa Réponse brève à Jaurès (O.C. Pléiade 1986, tome 1, p.538), malheureusement elle n'est pas brève :
Il ne peut pas plus y avoir un art socialiste qu'il ne peut y avoir une histoire socialiste. Soyons socialistes, et, si nous sommes historiens, faisons de l'histoire. Soyons socialistes, et, si nous sommes artistes, faisons des œuvres d'art. Ne soyons pas historiens socialistes. Ne soyons pas artistes socialistes. Ou plutôt ces derniers mots et ces avant-derniers n'ont aucun sens. La création d'art contemporaine se heurte aux servitudes bourgeoises. Comme socialistes, nous travaillons de toutes nos forces, à l'affranchir de toutes les servitudes. La révolution sociale nous donnera la libération de l'art. La révolution sociale nous donnera un art libre, mais non pas un art socialiste.
...
...nous ne sommes pas des hommes qui préparons des hommes pour qu'ils soient faits comme nous, mais nous sommes des hommes qui préparons les hommes pour qu'ils soient libres de toute servitude, libres de tout, libres de nous. En particulier, nous préparons l'humanité pour que les artistes y soient libres, non pour qu'il y ait plus tard des artistes qui soient faits comme nous. ... Singuliers militants, mon ami, que ceux qui seraient tentés d'aller chercher dans la vie militante un principe nouveau, une nouvelle force de beauté. Singuilers militants et dont je m'inquiète un peu. Braves gens sans doute, et hommes de bonne volonté, mais tout de même un peu apparentés à ceux que nous nommons les snobs et à ceux que nous nommons les cabotins. Malheureux ceux qui vont chercher dans la vie militante ce qu'elle n'est pas faite pour donner, pour nous donner. Malheureux ceux qui n'y cherchent pas uniment la réalisation d'un modeste idéal. Malheureux sans doute parce qu'ils sont immoraux. Malheureux ensuite parce qu'ils seront déçus.
Voilà une pensée, une éthique qui, si elle avait été comprise et suivie, eût épargné un grand déferlement de bêtises, de prisonniers et de morts.
Le titre, très accrocheur de révoltés, est tiré d'une phrase de Kafka sans doute trouvée et commentée par un Jacques-Henri Michot qui semble souffrir d'une léninite maligne en phase terminale.
Hasard de l'ordre alphabétique respecté, les deux plus gros tirages du sommaire, Jean-Christophe Bailly et Nathalie Quintane, ouvrent et ferment la marche..
En seconde position, Jean-Marie Gleize affirme savoir maintenant que la question révolutionnaire est désormais une question musicale. On a un peu de mal à discerner en quoi cette phrase répond à son programme, cité et recité par JH Michot : faire de chaque phrase un poste de tir. (à moins qu'il ne s'agisse de tirer au flanc ?!).
Puis Christophe Hanna montre les progrès qu'il a faits pour mettre sa prose théorique à portée des nuls.
Et se succèdent Hugues Jallon, Manuel Joseph, (ici s'inclut JHM), Yves Pagès et Véronique Pittolo.
Répété en haut de chaque page de gauche, le titre du volume fonctionne comme un slogan.
Les absents remarquables sont Bertin, Courtoux et Pennequin, en fait toute la "jeune" écurie Al dante (peut-être leur niveau scolaire a-t-il été jugé insuffisant). Plus étonnante, l'absence de Cyrille Martinez.
Tous les auteurs cités planchent donc plus ou moins poétiquement, plus ou moins politiquement, parfois poéthyliquement, parfois poélitiquement sur la question des rapports poésie & politique.
On a rarement embêté les musiciens et les peintres avec cette question, les cinéastes sont plus encore (et injustement) peinards mais on ne cesse de harceler les écrivains et les poètes, de les interpeller sur le sens et les fins de leur art, sur leur engagement ou leur trahison.
Il y a sans doute plusieurs raisons à cela, dont le fait que ceux-ci mettent des mains éthérées mais jamais innocentes dans la machinerie sons/sens, sens/sons.
Dès 1900, le poète Charles Péguy (que Michot ferait mieux de relire plutôt que de se jeter sur la lyre de Lamartine), Charles Péguy qui fut loin de camper tranquillement sur les flancs du Parnasse, Péguy très "engagé" dans tous les combats sociaux et politiques de l'époque, Péguy a tranché en faveur de la séparation art/action de façon très nette, dans des termes qui ont peu changé et risquent fort de déplaire à nos actuels snipers de la phrase, il faudrait citer toute sa Réponse brève à Jaurès (O.C. Pléiade 1986, tome 1, p.538), malheureusement elle n'est pas brève :
Il ne peut pas plus y avoir un art socialiste qu'il ne peut y avoir une histoire socialiste. Soyons socialistes, et, si nous sommes historiens, faisons de l'histoire. Soyons socialistes, et, si nous sommes artistes, faisons des œuvres d'art. Ne soyons pas historiens socialistes. Ne soyons pas artistes socialistes. Ou plutôt ces derniers mots et ces avant-derniers n'ont aucun sens. La création d'art contemporaine se heurte aux servitudes bourgeoises. Comme socialistes, nous travaillons de toutes nos forces, à l'affranchir de toutes les servitudes. La révolution sociale nous donnera la libération de l'art. La révolution sociale nous donnera un art libre, mais non pas un art socialiste.
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...nous ne sommes pas des hommes qui préparons des hommes pour qu'ils soient faits comme nous, mais nous sommes des hommes qui préparons les hommes pour qu'ils soient libres de toute servitude, libres de tout, libres de nous. En particulier, nous préparons l'humanité pour que les artistes y soient libres, non pour qu'il y ait plus tard des artistes qui soient faits comme nous. ... Singuliers militants, mon ami, que ceux qui seraient tentés d'aller chercher dans la vie militante un principe nouveau, une nouvelle force de beauté. Singuilers militants et dont je m'inquiète un peu. Braves gens sans doute, et hommes de bonne volonté, mais tout de même un peu apparentés à ceux que nous nommons les snobs et à ceux que nous nommons les cabotins. Malheureux ceux qui vont chercher dans la vie militante ce qu'elle n'est pas faite pour donner, pour nous donner. Malheureux ceux qui n'y cherchent pas uniment la réalisation d'un modeste idéal. Malheureux sans doute parce qu'ils sont immoraux. Malheureux ensuite parce qu'ils seront déçus.
Voilà une pensée, une éthique qui, si elle avait été comprise et suivie, eût épargné un grand déferlement de bêtises, de prisonniers et de morts.