01 févr.
2003
Voie express de Jean-Pierre Ostende.
Après une ouverture magnifique, digne des plus belles préfaces de l'histoire du roman (publiée - pour un mois seulement, merci Gallimard, dans nos "Poèmes, fictions"), se pose vite la question de savoir ce qui différencie ce livre du basique polar français de gauche? À partir d'un récit plein de suspense, notre présent et ses vices tragiques ou cocasses y sont froidement raillés. Ou bien s'agit-il d'une énième mouture de la quête du Père, série autobiographie psychologisante?
L'auteur pourrait rêver meilleure entrée dans sa matière mais son ouvrage est si troublant qu'il suscite de perverses envies, à l'instar de celles de son héros : la dérive de Philippe Gué est contée par un narrateur- enquêteur aussi douteux que lui, son propre fils et l'identité, comme le temps dans lequel se meut Victor-Louis, crée un autre suspens dans le suspens.
Ce dispositif, aussi rigoureux que relâché, constitue déjà une différence majeure avec les ouvrages du genre que "Voie express" transcende et la qualité de l'écriture (sobriété, rythme martelant, style caustique) en est une autre mais plus fondamental semble le fait que le désir du lecteur (de voir et comprendre), toujours attisé soit toujours sciemment déçu au profit d'un savoir plus haut, triste savoir?
Jean-Pierre Ostende, dans la tradition inaugurée par Cervantès et qui se sert du divertissement pour le mettre en question, a pris la mesure des dégâts causés dans nos cervelles par le déferlement d'images télévisuelles et vidéastiques : gavés de séries, fascinés par les serial-killers, on voudrait en même temps échapper à leur lot, être exemplaires (modèles) et non éléments d'une série reproductible à des millions d'exemplaires ; on appelle ça "vivre davantage" mais on vit ...sérialement. Ainsi la Série, noire, illimitée ou rose, se trouve mise en piles, les langages, les rêves qu'elle suscite sont alignés dans l'espoir (sans doute mince) d'une émancipation de nos écrans ou, plus modestement de ne pas "trop (se) répéter. À peine peut-être un peu éclaircir de temps en temps"...éclaircir notre temps?
À plus d'un titre (les titres réels ou inventés fourmillent dans ce texte comme les slogans), ce livre est mieux qu'une œuvre, un acte de courage civique parce qu'il relève le défi de la répétition et du mensonge des images qui nous lient à nos fabriques.
L'auteur pourrait rêver meilleure entrée dans sa matière mais son ouvrage est si troublant qu'il suscite de perverses envies, à l'instar de celles de son héros : la dérive de Philippe Gué est contée par un narrateur- enquêteur aussi douteux que lui, son propre fils et l'identité, comme le temps dans lequel se meut Victor-Louis, crée un autre suspens dans le suspens.
Ce dispositif, aussi rigoureux que relâché, constitue déjà une différence majeure avec les ouvrages du genre que "Voie express" transcende et la qualité de l'écriture (sobriété, rythme martelant, style caustique) en est une autre mais plus fondamental semble le fait que le désir du lecteur (de voir et comprendre), toujours attisé soit toujours sciemment déçu au profit d'un savoir plus haut, triste savoir?
Jean-Pierre Ostende, dans la tradition inaugurée par Cervantès et qui se sert du divertissement pour le mettre en question, a pris la mesure des dégâts causés dans nos cervelles par le déferlement d'images télévisuelles et vidéastiques : gavés de séries, fascinés par les serial-killers, on voudrait en même temps échapper à leur lot, être exemplaires (modèles) et non éléments d'une série reproductible à des millions d'exemplaires ; on appelle ça "vivre davantage" mais on vit ...sérialement. Ainsi la Série, noire, illimitée ou rose, se trouve mise en piles, les langages, les rêves qu'elle suscite sont alignés dans l'espoir (sans doute mince) d'une émancipation de nos écrans ou, plus modestement de ne pas "trop (se) répéter. À peine peut-être un peu éclaircir de temps en temps"...éclaircir notre temps?
À plus d'un titre (les titres réels ou inventés fourmillent dans ce texte comme les slogans), ce livre est mieux qu'une œuvre, un acte de courage civique parce qu'il relève le défi de la répétition et du mensonge des images qui nous lient à nos fabriques.