10 juil.
2005
Vues d'Anvers de Jan de Weck.
Attention, par quelque bout qu'on le prenne, ce livre est dangereux.
Sous l'aimable masque melvillien ou conradien ou prattien (observez le decrescendo) d'un pilote du port d'Anvers, se cache un écrivain révolutionnaire, subversif, incorruptible ; un ennemi radical de l'économie de marché mais pas un altermondialiste naïf, plutôt un brigadiste virtuel et ceci oriente toutes ses vues, envers et contre tous même s'il arrive à lire (c'est-à-dire à assimiler) des écrivains hors bord comme Péguy ou Léautaud.
Sa méthode pour explorer la queue de la comète Poétrie, ressemble à celle de la Nasa : il la percute avec des charges explosives lancées à grande vitesse, qu'elles soient d'origine scientifique (T.S. Eliot et Lacan mais à bonne distance), balistique (il constitue des listes de noms et les croise) ou d'inspiration explicitement situationniste.
Les dégâts sont énormes, Maulpoix le chantre des petits-bourgeois ne s'en relève pas, l'Oulipo est flingué en une formule (bricolage pour humoristes angoissés), le terrain est dégagé bien au-delà de Valérie Rouzeau :
...il n'y a jusque dans nos rangs qu'une page sur cent d'à peu près potable.
Avec un dispositif toujours identique, trois citations dont une de Guy Meunier pour la bouffonnerie ou le jeu (l'auteur adore jouer comme certains gros chiens jouent avec leurs proies), chaque vue cadre sa ou ses cibles en quelques pages.Cette sympathique et salutaire entreprise mérite tout de même quelques reproches : tout d'abord, notre pilote manque de ferveur et d'esprit de découverte, pour lui un bon poète est un poète mort puisque seul Tarkos semble échapper au massacre ; ce reproche, il se l'adresse à lui-même :
J'avoue qu'il y a de la facilité à vous proposer d'ouvrir de vieux livres.; qu'il est plus tentant d'applaudir ce qui l'a déjà été que de rechercher péniblement dans le contemporain celui ou celle qui aura écrit un livre.
Il écarte d'autres objections à toute critique négative avec un brio d'autant plus apprécié sur ce site, qu'elles nous sont aussi couramment adressées ; mais ses charges s'accompagnent parfois d'une surestimation nostalgique du passé et d'une dévalorisation de l'actuel qui peut empêcher de le penser. Ajoutons, non sans quelque délectable perversion, que lorsqu'on donne des leçons d'orthographe ou de grammaire aux jeunes générations, mieux vaut ne pas confier la relecture de son manuscrit à Monsieur Henri Poncet qui a pris la fâcheuse habitude de répondre avec autant de morgue aux professeurs que certains jeunes phoques surfeurs ! Entre autres exemples de coquilles, on peut lire p. 71 :
Qui ne vous FERONS (sic) pas de mal (p. 71)
Même si ces chroniques doivent beaucoup à la lecture de Karl Kraus, on reconnaît aisément le style d'un écrivain fort apprécié de ses pairs et détesté des gens de pouvoir (que ceux qui le reconnaissent nous écrivent, ils gagneront un abonnement illimité à notre Newsletter) : sa belle conduite de la phrase, ses brusques dingueries homophoniques, son humour et sa rage, ses emportements digressifs, son goût pour l'analogie, le cinoche, les oiseaux et ses bouts de blues.
Il faut le suivre parfois jusque dans ses lentes longueurs pour apprécier ses trouvailles socio-esthétiques et, mieux, pour goûter au détour d'un méandre verbeux des phrases comme celle-ci :
Les langues sont la folie des hommes et ce qui les en protège, quelle déchirure éprouve le vivant ainsi retranché ? Une déchirure qui colle.
Sous l'aimable masque melvillien ou conradien ou prattien (observez le decrescendo) d'un pilote du port d'Anvers, se cache un écrivain révolutionnaire, subversif, incorruptible ; un ennemi radical de l'économie de marché mais pas un altermondialiste naïf, plutôt un brigadiste virtuel et ceci oriente toutes ses vues, envers et contre tous même s'il arrive à lire (c'est-à-dire à assimiler) des écrivains hors bord comme Péguy ou Léautaud.
Sa méthode pour explorer la queue de la comète Poétrie, ressemble à celle de la Nasa : il la percute avec des charges explosives lancées à grande vitesse, qu'elles soient d'origine scientifique (T.S. Eliot et Lacan mais à bonne distance), balistique (il constitue des listes de noms et les croise) ou d'inspiration explicitement situationniste.
Les dégâts sont énormes, Maulpoix le chantre des petits-bourgeois ne s'en relève pas, l'Oulipo est flingué en une formule (bricolage pour humoristes angoissés), le terrain est dégagé bien au-delà de Valérie Rouzeau :
...il n'y a jusque dans nos rangs qu'une page sur cent d'à peu près potable.
Avec un dispositif toujours identique, trois citations dont une de Guy Meunier pour la bouffonnerie ou le jeu (l'auteur adore jouer comme certains gros chiens jouent avec leurs proies), chaque vue cadre sa ou ses cibles en quelques pages.Cette sympathique et salutaire entreprise mérite tout de même quelques reproches : tout d'abord, notre pilote manque de ferveur et d'esprit de découverte, pour lui un bon poète est un poète mort puisque seul Tarkos semble échapper au massacre ; ce reproche, il se l'adresse à lui-même :
J'avoue qu'il y a de la facilité à vous proposer d'ouvrir de vieux livres.; qu'il est plus tentant d'applaudir ce qui l'a déjà été que de rechercher péniblement dans le contemporain celui ou celle qui aura écrit un livre.
Il écarte d'autres objections à toute critique négative avec un brio d'autant plus apprécié sur ce site, qu'elles nous sont aussi couramment adressées ; mais ses charges s'accompagnent parfois d'une surestimation nostalgique du passé et d'une dévalorisation de l'actuel qui peut empêcher de le penser. Ajoutons, non sans quelque délectable perversion, que lorsqu'on donne des leçons d'orthographe ou de grammaire aux jeunes générations, mieux vaut ne pas confier la relecture de son manuscrit à Monsieur Henri Poncet qui a pris la fâcheuse habitude de répondre avec autant de morgue aux professeurs que certains jeunes phoques surfeurs ! Entre autres exemples de coquilles, on peut lire p. 71 :
Qui ne vous FERONS (sic) pas de mal (p. 71)
Même si ces chroniques doivent beaucoup à la lecture de Karl Kraus, on reconnaît aisément le style d'un écrivain fort apprécié de ses pairs et détesté des gens de pouvoir (que ceux qui le reconnaissent nous écrivent, ils gagneront un abonnement illimité à notre Newsletter) : sa belle conduite de la phrase, ses brusques dingueries homophoniques, son humour et sa rage, ses emportements digressifs, son goût pour l'analogie, le cinoche, les oiseaux et ses bouts de blues.
Il faut le suivre parfois jusque dans ses lentes longueurs pour apprécier ses trouvailles socio-esthétiques et, mieux, pour goûter au détour d'un méandre verbeux des phrases comme celle-ci :
Les langues sont la folie des hommes et ce qui les en protège, quelle déchirure éprouve le vivant ainsi retranché ? Une déchirure qui colle.