04 janv.
2002
ANTIVOEUX 2002 par Katy Rémy
C'est vrai, j'ai toujours des problèmes avec les souhaits étant donné ma position à propos de l'espérance n'est-ce pas ?
Je n'ai même pas envie de souhaiter la paix ou la tolérance car nous savons qu'il n'est pas question de pactiser avec l'ennemi ni de tolerer l'intolérable. Voilà longtemps que les rogations (qui me semblent un appel du pied tout à fait convenable et l'ancêtre des manifs) ne font plus tomber la pluie.
De même pour les pétitions qui servent à se compter alors qu'il suffirait d'une bonne agence de statistiques à qui on demanderait "Nous pensons que la poésie de X est la meilleure, combien sommes-nous ?" et qui publierait le résultat dans le Quid universel des statistiques, lequel lu par tout un chacun établirait une carte quotidienne et décapante de l'attitude des peuples, comme une météo incontournable.
Le "À vos souhaits" qui suit le moindre éternuement est d'une toute aussi bonne augure.Quant aux souhaits qu'on lance à la volée dans la rue, ils risquent fort d'atteindre de vrais ennemis et de viser l'inverse de ce qu'on souhaite.
La vérité est qu'on souhaite toujours la même chose, soit
a) la réalisation de tous vos voeux (libre à vous mais je ne veux pas le savoir, ou bien je respecte votre intime pensée et de toutes façons je suis de tout coeur avec vous)
b) la santé (le plus petit minimum commun car ne pas la souhaiter c'est presque vouloir la mort de l'autre. Je me demande si ce n'est pas la subsistance d'un comportement médiéval destiné à convaincre de sa bonne foi comme toutes ces pratiques qui consistent à bien montrer ses deux mains désarmées)
Donc, ces cartes-signes (ou ces mails-cartedevoeux) balafrés d'une rengaine ne contiennent rien. Elles prouvent qu'on a passé une après-midi bailleuse à compulser son carnet d'adresses, à les transcrire tant bien que mal sur des enveloppes, à y glisser une carte choisie (mais souvent hélas limitée car le prix de celle qui me plaisait le plus était exagéré ou ne valait que si je limitais ce choix à une seule...) en omettant le moindre détail concernant l'expéditeur, car c'est une pratique universelle : la cartedevoeux ne comporte que des voeux envers le destinataire, auxquels on ne joint en aucune facon l'indice de ce que pourrait bien contenir nos propres souhaits (ainsi on ne dit pas : "Je voudrais cette année enfin gérer mon temps pour pouvoir faire de la gym, et je te souhaite de même", mais on dit "Je souhaite que tu puisses gérer ton temps et faire de la gym". (On note que pour la carte de vacances (justement) c'est l'inverse. On écrira : "Moi je me baigne, et je pense à toi", sous-entendant "penser à l'autre pendant que je m'amuse décuple ma joie").
Alors dans certaines familles on met en place un processus : chacun écrit le récit de son année à une personne désignée (l'aieul(e) souvent), qui récupère les infos, les retranscrits avec ou sans commentaire et réexpédie à chacun le journal complet des membres de la famille. Très bonne affaire qui vraiment relie les uns et les autres et peut éventuellement y adjoindre des amis communs, des alliés... Mais de voeux point.
En réalité, refuser d'exprimer ses voeux c'est faire preuve de superstition : comme "vendre la peau de l'ours", ça attire les férocités des fées méchantes qui ne devraient avoir de cesse de tarabuster le pauvre désireux afin que ses rêves échouent. Un souhait ça ne se prononce pas, ça se chuchote, ça fait battre le coeur, ça s'échange quand deux mains se touchent, que deux regards se croisent. Quand l'autre s'est ouvert de ses souhaits, on lui fait comprendre qu'on est de toute son âme à ses côtés, qu'on accompagne ses projets, qu'on périra s'ils coulent.
Et c'est exactement ce que je voulais dire quand je te regardais désirer silencieusement en face de moi de l'autre côté de cet écran, similairement anxieux de l'an qui commence (quoique pour d'autres ce soit un autre jour et pour les astres le 21 mars), similairement incapable de préciser quoi demander et à qui et comment, mais prêt à établir des listes de résolutions comme si il ne fallait se souhaiter au fond que de la vaillance et de la persévérance.
Je n'ai même pas envie de souhaiter la paix ou la tolérance car nous savons qu'il n'est pas question de pactiser avec l'ennemi ni de tolerer l'intolérable. Voilà longtemps que les rogations (qui me semblent un appel du pied tout à fait convenable et l'ancêtre des manifs) ne font plus tomber la pluie.
De même pour les pétitions qui servent à se compter alors qu'il suffirait d'une bonne agence de statistiques à qui on demanderait "Nous pensons que la poésie de X est la meilleure, combien sommes-nous ?" et qui publierait le résultat dans le Quid universel des statistiques, lequel lu par tout un chacun établirait une carte quotidienne et décapante de l'attitude des peuples, comme une météo incontournable.
Le "À vos souhaits" qui suit le moindre éternuement est d'une toute aussi bonne augure.Quant aux souhaits qu'on lance à la volée dans la rue, ils risquent fort d'atteindre de vrais ennemis et de viser l'inverse de ce qu'on souhaite.
La vérité est qu'on souhaite toujours la même chose, soit
a) la réalisation de tous vos voeux (libre à vous mais je ne veux pas le savoir, ou bien je respecte votre intime pensée et de toutes façons je suis de tout coeur avec vous)
b) la santé (le plus petit minimum commun car ne pas la souhaiter c'est presque vouloir la mort de l'autre. Je me demande si ce n'est pas la subsistance d'un comportement médiéval destiné à convaincre de sa bonne foi comme toutes ces pratiques qui consistent à bien montrer ses deux mains désarmées)
Donc, ces cartes-signes (ou ces mails-cartedevoeux) balafrés d'une rengaine ne contiennent rien. Elles prouvent qu'on a passé une après-midi bailleuse à compulser son carnet d'adresses, à les transcrire tant bien que mal sur des enveloppes, à y glisser une carte choisie (mais souvent hélas limitée car le prix de celle qui me plaisait le plus était exagéré ou ne valait que si je limitais ce choix à une seule...) en omettant le moindre détail concernant l'expéditeur, car c'est une pratique universelle : la cartedevoeux ne comporte que des voeux envers le destinataire, auxquels on ne joint en aucune facon l'indice de ce que pourrait bien contenir nos propres souhaits (ainsi on ne dit pas : "Je voudrais cette année enfin gérer mon temps pour pouvoir faire de la gym, et je te souhaite de même", mais on dit "Je souhaite que tu puisses gérer ton temps et faire de la gym". (On note que pour la carte de vacances (justement) c'est l'inverse. On écrira : "Moi je me baigne, et je pense à toi", sous-entendant "penser à l'autre pendant que je m'amuse décuple ma joie").
Alors dans certaines familles on met en place un processus : chacun écrit le récit de son année à une personne désignée (l'aieul(e) souvent), qui récupère les infos, les retranscrits avec ou sans commentaire et réexpédie à chacun le journal complet des membres de la famille. Très bonne affaire qui vraiment relie les uns et les autres et peut éventuellement y adjoindre des amis communs, des alliés... Mais de voeux point.
En réalité, refuser d'exprimer ses voeux c'est faire preuve de superstition : comme "vendre la peau de l'ours", ça attire les férocités des fées méchantes qui ne devraient avoir de cesse de tarabuster le pauvre désireux afin que ses rêves échouent. Un souhait ça ne se prononce pas, ça se chuchote, ça fait battre le coeur, ça s'échange quand deux mains se touchent, que deux regards se croisent. Quand l'autre s'est ouvert de ses souhaits, on lui fait comprendre qu'on est de toute son âme à ses côtés, qu'on accompagne ses projets, qu'on périra s'ils coulent.
Et c'est exactement ce que je voulais dire quand je te regardais désirer silencieusement en face de moi de l'autre côté de cet écran, similairement anxieux de l'an qui commence (quoique pour d'autres ce soit un autre jour et pour les astres le 21 mars), similairement incapable de préciser quoi demander et à qui et comment, mais prêt à établir des listes de résolutions comme si il ne fallait se souhaiter au fond que de la vaillance et de la persévérance.